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Gérard Sanspeur: «Incohérence entre la gestion des terres et le développement immobilier»

29 juillet 2016, 15:27

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Gérard Sanspeur: «Incohérence entre la gestion des terres et le développement immobilier»

 

Vous venez d’être nommé à la tête de la State Land Property Development Company (SLPDC). Qu’allez-vous retenir et rejeter dans la vision de votre prédécesseur?

L’un des principaux projets de la SLPDC est le développement de Highlands. En fait, mon intention est de construire sur ce qu’on a déjà commencé. Nous avons un conseil d’administration et, en collaboration avec l’équipe de direction, nous nous efforcerons d’obtenir la meilleure utilisation des actifs de la SLPDC. Il en va de même pour les autres actifs immobiliers et propriétés.

Cependant, mon objectif dans le long terme est d’élargir le champ d’actions de la SLPDC pour envisager, au moment opportun, d’étendre son empreinte au niveau régional. Mais il faut déjà commencer par réussir sur le plan local. Je suis dans la logique de ce qu’a fait la Jurong Town Corporation (JTC) à Singapour.

Que voulez-vous impulser à la SLPDC ?

La SLPDC a une énorme base d’actifs immobiliers équivalant à quelque Rs 5 milliards et comprenant 1 917 arpents de terres agricoles à Highlands, 290 arpents de terrains industriels à La-Tour-Koenig et deux parcs pour les petites et moyennes entreprises à La Valette et à Roche-Bois.

Le gouvernement dispose aujourd’hui de plus de 2 000 arpents de biens fonciers situés à proximité stratégique, et immédiate, des grandes zones urbaines telles Ébène et le développement résidentiel Auréa du SIT, ainsi qu’à côté des terrains appartenant au groupe ENL sur lesquels un projet de smart city est prévu, sans compter l’accès à l’autoroute M2. Je veillerai à ce que ces 2 000 arpents ne fassent pas l’objet de planification irresponsable ou de développements qui ne cadrent pas avec la richesse de notre patrimoine, avec notre culture, bref avec le style architectural mauricien.

En clair, il serait, à mon humble avis, une violation du concept spatio-temporel que quelqu’un hallucine et pense qu’il est à Dubaï alors qu’il est bel et bien à Highlands. J’ai déjà fait le point sur l’état du Master-plan du projet Highlands tant avec l’équipe gestionnaire qu’avec les consultants.

Mon principal message est que nous devons, d’emblée, impliquer toutes les parties intéressées, publiques et privées, tout comme celles et ceux concernés de près ou de loin, avant même le démarrage du processus de conceptualisation de quelque projet. Mais la planification d’un site de 2 000 arpents ne peut manifestement pas être consultant-driven, et encore moins être le projet d’une poignée d’individus.

Ce n’est pas un petit projet immobilier qu’on gère, mais la planification du cadre de vie de toute une agglomération de concitoyens qui vont vivre et travailler dans un espace de leur choix pendant des décennies. À cet effet, la connaissance et la mise en œuvre de principes de planification avisée et de développement intégré des quartiers urbains sont la clé. Nous devons examiner chaque aspect, y compris le site lui-même, les projets de quartier, l’harmonie de l’architecture, l’ingénierie, la connectivité, la circulation, les besoins des utilisateurs, le transport, l’environnement et bien d’autres aspects. Par-dessus tout, je répète qu’un développement réussi se fait à l’échelle humaine.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que c’est un projet de l’État que sa viabilité économique passe au second plan. En fait, toute bonne planification nécessite que les aspects économiques et financiers soient considérés en premier lieu. Or, nous sommes pleinement conscients que nous avons pour mission de gérer professionnellement, au mieux de la mutualisation de nos diverses compétences, des actifs fonciers de premier ordre. Sinon, nous courons le risque de nous enliser dans un développement à l’emporte-pièce où des terrains de grande valeur sont morcelés et vendus ou loués à des promoteurs au détriment de leur rentabilité optimale.

De par mon expérience, j’estime que les futurs résidents, quels qu’ils soient, ne veulent pas d’un hologramme architectural, mais d’un projet moderne respectueux des normes d’urbanisation où ils se reconnaissent et où ils retrouvent leurs repères au quotidien.

Avez-vous toujours un pied dans le Board of Investment (BoI)?

Certainement ! Et je dirais même que la présidence du conseil d’administration de la SLPDC est la suite logique de la démarche stratégique du gouvernement. Le BoI joue un rôle primordial dans le développement de Maurice car il a un mandat qui va bien au-delà de la simple promotion et de la facilitation de l’investissement.

Le BoI a été, et demeure, un conseiller très écouté du gouvernement par rapport à l’amélioration du climat des affaires et de la conception de nouveaux produits et des politiques visant à renforcer l’attractivité du pays en tant que destination de prédilection pour les affaires. Actuellement, le BoI gère un portefeuille de projets d’investissement qui dépassent les Rs 100 milliards, dont la plupart sont dans l’immobilier.

La concrétisation imminente des smart cities et d’autres développements fonciers requiert une révision urgente de notre stratégie de gestion territoriale et urbaine. Ces derniers temps, il y a eu une incohérence indicible et une déconnexion complète entre la gestion des terres et le développement immobilier et industriel à Maurice. Ce qui a abouti au développement asymétrique de nos villes et villages.

La congestion routière, la pollution, l’insuffisance des aires de stationnement, le manque d’espace, pour ne pas dire de considération, pour les piétons ne sont que quelques-unes des problématiques qui ont découlé de cette absence de planification réfléchie. Nous avons maintenant besoin d’investissements dans des infrastructures intelligentes, qui répondent aux besoins des résidents toutes catégories confondues.

Aussi, la présidence conjointe du conseil d’administration de la SLPDC et de celui du BoI se traduira par une certaine convergence dans l’aménagement du territoire et de la promotion de l’investissement. J’estime honnêtement que les deux fonctions sont complémentaires.

Je m’acquitterai de mes tâches et responsabilités quand j’aurais harmonisé la stratégie de ces deux institutions de façon à ce que tous les efforts déployés portent dans la même direction. Cela est en ligne avec la vision gouvernementale de promouvoir la coopération et la coordination entre toutes les institutions pour envoyer un message clair aux investisseurs. Et cela ne peut être que bénéfique pour l’économie!