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UoM: des «kari lontan» sur le feu

27 juin 2016, 19:10

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UoM: des «kari lontan» sur le feu

Les kari lontan, un sujet d’études? C’est, du moins, ce qu’a choisi la première cuvée de BA (Hons) History with Applied Research Methods de l’université de Maurice (UoM). Une vingtaine d’étudiants se sont penchés sur le kari leker banann ou encore le masala lor ros pour comprendre les réseaux sociaux construits autour du partage.

À force de recueillir des témoignages ardents chauffés au poukni, ces étudiants et leur chargé de cours ont pour projet d’entamer des démarches pour faire reconnaître la cuisine traditionnelle comme patrimoine national par le National Heritage Fund.

C’est au début du mois de juin que ces étudiants en troisième année ont présenté leurs recherches à l’examinateur externe Sean Field, de l’université de Cape Town. «On assiste à une montée en puissance de l’histoire orale», explique Raviraj Sinha Beechook, chargé de cours à temps partiel. «Pendant longtemps, on étudiait l’Histoire par le biais de documents écrits, d’où l’image de l’historien associée à des recherches aux archives. À Maurice, c’est surtout des archives coloniales. L’oralité est peu exploitée.»

Des échanges

L’inspiration, dit-il, est venue de l’île soeur. «Ce qui m’intrigue, c’est comment l’île de La Réunion a su valoriser ses traditions culinaires.» Cela fait partie de son identité et du tourisme culturel, note le chargé de cours. «Les kari sont valorisés et proposés aux touristes.»

Comme ces étudiants avaient pour thème l’engagisme, ils se sont concentrés sur les traditions culinaires des descendants de travailleurs engagés. Une quarantaine de femmes au foyer de plus de 60 ans ont été interviewées. Selon Raviraj Beechook, ce sont elles qui étaient responsables de la cuisine. «Nous n’avons pas interviewé d’hommes parce que nous avons étudié ces traditions en tant que pratique sociale.»

Parmi les questions posées : la provenance des ingrédients. D’où venaient l’arouille, la patate, la pomme de terre, entre autres. Mais aussi les fruits rares pour les kari frwi siter, kari leker banann ou encore kari kokom plin. Sans oublier les achards et les produits déshydratés, comme le poisson salé et le bomli.

«Ce qu’il n’y avait pas dans la cour, on allait le chercher à la rivière ou dans les forêts», indique le chargé de cours. C’était le cas pour les chevrettes et les brèdes songes. «Il y avait des échanges avec les personnes qui ne pouvaient pratiquer l’agriculture.» Il précise que la majorité des personnes interviewées proviennent de régions rurales et ont vécu dans un camp sucrier à un moment donné.

Une chanson spécifique pour écraser le riz

Les étudiants se sont aussi intéressés à l’absence relative de viandes et de poissons. «C’était trop cher pour eux.» Et à l’époque, il n’y avait pas de réfrigérateur. D’où la tradition du marchand de poisson qui livrait les samedis et se faisait payer les dimanches, en fin de mois, rapporte Raviraj Beechook.

Pour lui, le «coeur des recherches» était de démontrer ce qui favorisait les échanges. «Celui qui a des jaques va partager avec celui qui a des fruits à pain. Pourtant, les deux sont saisonniers.» Le chargé de cours souligne que cette étude a aussi pu dégager des éléments quantitatifs. «Par exemple, 12 oeufs équivalaient à un litre de lait.» Des pratiques qui reflètent «l’existence de réseaux sociaux structurés autour de l’échange de marchandises».

Raviraj Beechook insiste qu’il ne s’agit pas simplement de mets, mais d’un patrimoine immatériel. D’autant plus que la cuisine était accompagnée de chansons, souvent en bhojpuri. Il y avait, notamment, une chanson spécifique pour écraser le riz.

Prochaine étape : élargir le champ de recherches. Ce, afin de faire connaître d’autres mets mauriciens, comme le kari tang, entre autres. Car, souligne le chargé de cours en histoire, «il y a bien plus que le dholl puri à Maurice».