Publicité

Jacqueline Sauzier, secrétaire de la Chambre d’agriculture: «L’industrie sucrière a la capacité de passer le cap de 2017»

15 juin 2016, 09:32

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Jacqueline Sauzier, secrétaire de la Chambre d’agriculture: «L’industrie sucrière a la capacité de passer le cap de 2017»

S’adapter, se réinventer : pour la secrétaire de la Chambre d’Agriculture, les producteurs doivent trouver des moyens de devenir plus efficaces et plus réactifs face au marché.

L’échéance de 2017 arrive à grands pas. Plus de quotas pour les producteurs européens qui vont pouvoir produire sans restrictions. Est-ce une épée de Damoclès ou une opportunité ?

Ça peut-être vu des deux façons. Oui, c’est une épée de Damoclès. Il va falloir qu’on se réinvente et qu’on réagisse à cette production qui va être plus forte en Europe. Comment se réinventer ? C’est en étant plus proches des consommateurs et en produisant à un coût qui sera plus efficace pour réduire nos frais.

Comment va-t-on réduire le coût localement ? Il faut, dans cette période de coupe, qu’on arrive à réduire la durée de celle-ci afin de diminuer nos efforts. Il faut qu’on arrive à réduire nos dépenses et notre période de coupe pour être plus rentables sur le terrain au niveau de la production. Cette opportunité nous permet d’être plus réactifs.

Comment l’industrie sucrière dans son ensemble s’est-elle préparée à affronter l’échéance 2017 ?

Quand il y a eu l’annonce de cette échéance en 2017, il y a deux ans et demi, il y a eu plusieurs conséquences directes à cela. Il y a eu une spéculation internationale. Le prix du sucre en Europe a chuté drastiquement, avec une répercussion directe sur nous. Ça nous a forcés, déjà, à nous remettre en question et à réfléchir aux stratégies qu’on pourrait mettre en place pour l’échéance réelle du terrain en 2017.

Déjà, la baisse du prix nous a permis de voir que certaines institutions avec qui nous travaillons doivent être plus réactives, plus proches des consommateurs, des producteurs, des planteurs. Il faut une réactivité plus courte pour répondre aux besoins des producteurs. Il y a eu des études faites par le gouvernement qui ont abouti à des recommandations. Un rapport a été soumis fin 2015. Il a été analysé, étudié et on espère que certaines des recommandations vont être mises en oeuvre dans le prochain Budget qui nous permettra de grimper cet escalier au fur et à mesure, pour que nous soyons prêts le moment venu. C’est quoi cette échéance ? Est-ce que c’est ce sucre produit en Europe qui va nous empêcher de rentrer sur le marché européen ? Ou est-ce encore une fois une chute de prix ? Mais le prix ne peut pas tomber plus bas qu’il ne l’est aujourd’hui. On ne peut pas savoir ce qui va se passer après le 17 septembre 2017.

Il y a une chute de prix. Il y a eu des actions de l’Union européenne (UE). Aujourd’hui il y a un déficit de stock en Europe et dans le monde. Qu’est-ce qui va se passer dans un an ? C’est un marché qui est tellement lié à d’autres facteurs. À Maurice, pour le moment, on a bien analysé les différentes options qui se présentaient à nous. On a démontré notre capacité à évoluer quand il y a eu la fin du Protocole Sucre. Cette étape, je pense qu’on pourra la franchir correctement.

Où l’impact sera-t-il ressenti avec le plus d’acuité ou de force ? Sur la production de la canne ou au niveau de la commercialisation des produits de la canne ?

Il ne faut pas regarder la production de canne par secteur unique. Tous les producteurs sont dans le même bateau. Une partie s’occupe de la plantation, l’autre de la coupe. On ne peut pas individualiser. Tous les producteurs sont liés les uns des autres. Ce serait injuste de venir montrer du doigt une chaîne de production par rapport à une autre.

Aujourd’hui l’usinier est celui qui a besoin d’améliorer toute sa performance. Le seul secteur sur lequel on ne s’est pas penché en vue de l’améliorer, c’est l’usine. On devait envisager des mesures qui pourraient aider l’usinier à diminuer les coûts et cela profiterait à tous les secteurs, d’ailleurs. Individualiser n’est pas une bonne chose.

Aujourd’hui, la diversification s’est faite notamment au niveau de l’énergie propre, de la production de légumes et aussi de l’immobilier. Quels sont les nouveaux domaines dans lesquels l’industrie sucrière s’est engagée précisément pour amortir l’impact des changements qu’elle est appelée à connaître plus tard ?

On doit toujours produire du sucre. Aujourd’hui, on produit environ 400 000 tonnes de sucre à partir d’une production de 4 millions de tonnes de cannes sur 50 000 hectares. Ce n’est pas envisageable, à mon sens, de retirer cette denrée pour faire autre chose. Il y a eu la diversification agricole qui n’a pas été faite au détriment de la canne. S’il y a eu des développements immobiliers ça n’a pas été fait au détriment de la canne. Quand on regarde l’évolution de la superficie sous canne, c’est principalement dû à des petits planteurs qui abandonnent leurs terres. Ce ne sont pas eux qui font des développements immobiliers. Il faut savoir remettre les choses dans leur contexte. Les terres ont été données sous certains accords et ont été abandonnées aujourd’hui. Aujourd’hui, on recense 5 000 hectares de terres abandonnées pour diverses raisons. Et c’est dommage !

Une récente analyse de la performance des sociétés sucrières cotées en Bourse pour la période se terminant le 31 mars indiquent que la filière sucre dans l’ensemble n’a pas eu les résultats escomptés. Est-ce un phénomène qui s’est manifesté sur l’ensemble des opérateurs de l’industrie sucrière ?

La coupe 2015 a été catastrophique. On avait espéré avoir 415 000 tonnes de sucre. Mais les conditions climatiques n’ont pas été réunies et on a obtenu 366 000 tonnes de sucre. Le taux d’extraction a été à son niveau le plus bas depuis 1965. Conjugué à ceci, un prix du sucre sur le marché européen qui ne décollait pas, soit Rs 13 000 la tonne de sucre. Une fois qu’on a ces données-là, on se rend compte que 2015 a été une année difficile pour des raisons purement climatiques.

L’industrie sucrière a joué un rôle considérable pour aider le pays à atteindre l’autosuffisance dans la filière de la production de pomme de terre. Où en est cette culture à Maurice ?

Les besoins locaux en pomme de terre sont d’environ 25 000 tonnes par an. Notre production locale est d’environ 17 000 tonnes. La moitié est produite par les corporate sectors et l’autre moitié par des petits planteurs. C’est une industrie qui aurait pu se développer, être mieux encadrée. Il y a eu une ingérence qui a été néfaste. Ce qui a eu pour conséquence la mort de Cope Sud, qui a été un frein aux investissements, aux envies de certains planteurs.

On a donné des schemes  de production qui ont été pris par les petits planteurs. Quand on veut développer la sécurité alimentaire, c’est la prérogative de tout le monde. On catégorise l’aide et la subvention. Il y a eu des pertes encourues par les planteurs. La conséquence directe, c’est la fermeture de Cope Sud qui était un bras de marketing et de distribution de la pomme de terre, efficace pour le marché mauricien.

Cope Sud a nécessité un investissement de Rs 100 M.C’était un magnifique projet. Mais on garde espoir. Il y a matière à réflexion, une volonté avec une certaine restructuration au niveau de l’Agricultural Marketing Board. On est en train de travailler pour plus de transparence, d’ouverture et de recherches. Il y a 5 000 tonnes qu’on ne pourra jamais produire localement. Il y a une certaine période de l’année où notre production ne nous permet pas de conserver notre pomme de terre pour avril et mai.

Vous avez été l’initiatiatrice de la promotion du concept d’agriculture raisonnée ou Smart Agriculture. Est-ce que ça a accroché ?

Oui on est en plein dedans. Avec la Smart Agriculture, il y a une fibre environnementale très forte. Il y a une perception du côté des consommateurs qu’il y a trop de produits chimiques dans la production de légumes. On a fait une première enquête et c’est là le résultat d’un sondage fait auprès de 300 agriculteurs, au cours duquel on a reçu une mine d’information sur les besoins, les envies des agriculteurs.

Le ministre des Finances, dans son Budget 2014, annonce l’intention du gouvernement de promouvoir l’agriculture biologique, soit 50 % de produits bio à l’horizon de 2020. Cet objectif est complexe, difficile, dans la structure actuelle de production de légumes. Il faut qu’il y ait une méthodologie.

Il ne faut pas qu’on passe d’une production «tout chimique» à une production «zéro chimique», soit l’agriculture biologique. Si on fait ça du jour au lendemain, l’agriculture à Maurice n’existera plus. Ça va dégoûter les agriculteurs  parce que c’est très complexe à faire. Il y aura des conséquences directes. Il faut une transition en douceur. Et les planteurs et les autorités se montrent intéressés.

Maintenant, il faut faire des expériences sur le terrain. Il faut des actions concrètes. La deuxième phase du projet est sur une période de trois ans. Il y aura 13 fermes pilotes au niveau de la Chambre d’agriculture et 10 petites fermes au niveau du FAREI, le tout encadré par le Centre de Recherches réunionnais qui a déjà développé toutes les procédures pour réduire l’utilisation des pesticides. Il y a un partenariat signé entre La Réunion et le gouvernement français.+