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Russie: clémence du Parquet russe contre l’artiste qui avait mis le feu aux portes de l’ex-KGB

6 juin 2016, 21:06

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Russie: clémence du Parquet russe contre l’artiste qui avait mis le feu aux portes de l’ex-KGB

Le Parquet russe a requis lundi une simple amende contre l’artiste Piotr Pavlenski, jugé pour avoir mis le feu aux portes du siège des services secrets russes (FSB, ex-KGB) à Moscou, montrant une clémence inattendue par rapport à la peine encourue.

Vêtu d’un short et de sandales, Piotr Pavlenski a écouté sans réagir le réquisitoire du procureur, assis dans une cage vitrée dans la salle d’audience, comme le veut l’usage en Russie.

«J’appelle (la cour) à reconnaître Piotr Andreïevitch (Pavlenski) coupable et à le condamner à deux millions de roubles (environ 27.000 euros) d’amende», a déclaré le procureur Anton Sizov, précisant que l’amende pourrait être ramenée à 1,5 million de roubles en raison de la situation familiale de l’accusé, père de deux jeunes enfants.

Accusé de «dégradation du patrimoine culturel», Piotr Pavlenski risque trois ans de camp. La juge, Elena Goudochnikova, doit rendre son verdict mercredi. La justice russe rend rarement des verdicts plus sévères que la peine ou l’amende requises par le Parquet.

Âgé de 32 ans, Pavlenski est coutumier des «performances» à connotation politique.

Connu pour s’être cloué en 2013 la peau des testicules sur les pavés de la place Rouge et cousu la bouche en 2012 en soutien aux jeunes femmes arrêtées du groupe Pussy Riot, il considère son procès comme «une farce», a expliqué un de ses avocats, Olga Dinzé.

Il a ainsi à plusieurs reprises exigé d’être jugé pour «acte terroriste», en écho à la condamnation en 2015 pour «terrorisme» de deux militants ukrainiens qui s’en étaient pris aux bureaux d’un parti prorusse en Crimée.

«Monsieur le juge, vous devez requalifier (le chef d’accusation) en +terrorisme+, c’est votre dernière chance aujourd’hui», a-t-il de nouveau demandé lundi.

M. Pavlenski a utilisé son procès pour dénoncer les services secrets russes en faisant témoigner d’anciens dissidents soviétiques, comme Sergueï Kovalev et Sergueï Grigoriants qui ont passé de nombreuses années dans les camps en URSS.

La Loubianka (le siège du FSB ex-KGB) «pourrait être un site historique ou culturel s’il ne restait pas le siège des services secrets dont l’objectif est la suppression des libertés publiques», a déclaré M. Kovalev.

Ce bâtiment «est un monument à la destruction de la culture, un monument à la terreur russe», a ajouté M. Grigoriants devant la cour.

Pavlenski «n’est pas un criminel mais un artiste aux performances réellement appréciées», a renchéri un autre avocat de l’accusé, Dmitri Dinzé, demandant l’abandon de toutes les charges pesant contre l’artiste.

Même une amende pourrait le mener en prison, a affirmé Dmitri Dinzé. «S’il ne paie pas cette amende, après un certain temps, Piotr sera détenu et la question se posera de remplacer l’amende par une +vraie punition+», a-t-il expliqué à l’AFP.

«Et autant que je sache, Piotr ne va pas payer quoi que ce soit. Donc le combat continue», a-t-il ajouté.

«Nous n’avons pas cet argent», a déclaré à l’AFP la compagne de l’artiste, Oksana Chaliguina, présente à l’audience. Et même si des personnes le soutenant réunissent cette somme, par principe, jamais l’artiste «ne voudra donner de l’argent aux autorités», a-t-elle ajouté.

Mme Chaliguina a estimé que le réquisitoire du procureur était «porteur d’espoir et inattendu».

«On s’attendait à ce que la peine (requise) soit le maximum» prévu par la loi, soit trois ans, a-t-elle expliqué, estimant que cette clémence s’expliquait par l’intérêt que le procès a suscité dans les pays occidentaux.

Mi-mai, Piotr Pavlenski a déjà été condamné à 16 mois de restriction de liberté pour vandalisme, après avoir brûlé en 2014 des pneus à l’instar des manifestants anti-gouvernementaux en Ukraine.