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En perspective: les salaires parlementaires

6 juin 2016, 19:28

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En perspective: les salaires parlementaires

Si les augmentations de salaires de base s’affichent de 2,8% (Premier ministre) à 9,5% (Deputy Chief Government Whip), les augmentations prévues après allocations sont systématiquement plus importantes, s’étalant de 3,2% (présidente de la République) à 13,8% (président PAC), ce qui veut dire que les allocations seront augmentées plus fortement que les salaires.

«C’est dans le cours normal des choses que les ministres, députés, secrétaires parlementaires privés et autres personnalités de la hiérarchie politique soient compensés comme les autres fonctionnaires dans le sillage de la publication du rapport du PRB. Le Conseil des ministres sera appelé à valider la grille salariale proposée», a dit, le jeudi 19 mai à l’express, le ministre de la Fonction publique Alain Wong. Le «President’s Emoluments and Pension (Amendment) Bill» sera présenté le mardi 7 juin au Parlement par le Premier ministre. Alain Wong a aussi ajouté qu’il s’agissait d’«une hausse minime».

Le commissaire aux salaires Jaivarasen Curpen Naick, dans une interview accordée à l’express le 21 mai, tentait, un peu malhabilement, de justifier une telle hausse et déclarait, entre autres: «Vous savez, plus les gens ont de gros salaires, plus ils ont des dépenses et plus ils paient la taxe.» On pourrait même appeler cela une lapalissade car il ne fait pas de doute que la plupart des humains trouveraient toujours le moyen de dépenser si leurs salaires étaient doublés, décuplés ou même multipliés par 100 fois… Ce n’est pas une raison pour!

 

Tableau I

 

Le Tableau I, ci-dessus, indique, selon nos meilleurs recoupements, ce qui sera payé à nos parlementaires et ministres, à partir du 1er janvier 2016, si le Conseil des ministres ratifie les propositions du PRB. On verra que 

(1) Si les augmentations de salaires de base s’affichent de 2,8% (Premier ministre) à 9,5% (Deputy Chief Government Whip), les augmentations prévues après allocations sont systématiquement plus importantes, s’étalant de 3,2% (présidente de la République) à 13,8% (président PAC), ce qui veut dire que les allocations seront augmentées plus fortement que les salaires. Quelle peut être la logique de cela?

(2) Les augmentations, en pourcentage, respectent presque religieusement le principe d’augmenter plus généreusement les salaires «inférieurs». Par contre, ce n’est pas toujours le cas dans l’absolu. Ainsi les 17% d’augmentations des salaires plus allocations des députés équivalent à Rs 22 888, alors que les 7,2% du PM se soldent à Rs 37 470.

Outre les faits absolus, on peut aussi tenter de relativiser les salaires de nos parlementaires. C’est l’ambition du Tableau II, ci-dessus qui, outre la tentative de résumer les salaires payés (avant allocations) aux président, Premier ministre, ministres ou députés, là où les renseignements sont disponibles, propose de relativiser ceux-ci par rapport à deux facteurs, selon la logique que plus un pays est important, de par sa population ou sa complexité économique, plus un salaire d’homme d’État est «mérité». Les deux facteurs sont :

(i) La taille de la population, le salaire de nos responsables d’État étant alors traduit au nombre de roupies qu’il faut payer à un Premier ministre, par exemple, pour assumer la responsabilité de chaque million de population. Il faut ainsi, à ce titre, payer Rs 59,57 à Modi et Rs 2 556 701 à James Michel aux Seychelles pour que chacun s’«occupe» d’un million de citoyens.

(ii) Le produit national brut. Dans ce cas, on établit le salaire payé à un politicien élu pour chaque million de dollars de GDP, dont il a la charge. Ainsi, on paie Rs 24,98 à notre PM (plus Rs 25,50 à notre présidente… et encore Rs 17,74 à notre vice–président) pour prendre charge de chacun des 11,608 millions de dollars de GDP 2015 alors que l’on ne paie, au même titre, que Rs 17,10 au PM Lee de Singapour, Re 1,71 à Jacob Zuma, 35 sous à François Hollande, 11 sous à Barack Obama et… 4 sous à Narendra Modi!

Le Tableau II suggère qu’il y a un effet d’échelle matériel, puisqu’un micro pays a quand même besoin d’un PM et d’un Parlement ! (Voir le cas Seychelles.) Mais cet effet est, intuitivement et logiquement, contrebalancé par le fait que plus un pays est important ou complexe, plus il faut de moyens humains (et donc de coûts, notamment salariaux), pour assumer les responsabilités qui en découlent! Un critère additionnel que nous n’avons pas encore pu établir, à ce stade, suggère de considérer, par ailleurs, le coût TOTAL des prestations de la direction politique d’un pays (Budget de dépenses global plutôt qu’individuel, afin de pénaliser les Conseils de ministres trop extensifs, par exemple, mais aussi les coûts collatéraux, comme Air Force One ou le palais de l’Élysée.…), par rapport au produit domestique, par exemple. On reviendra sur la question si on peut.

 

Tableau II

 

Tout est relatif en ce bas monde. En fin de compte, c’est au contribuable et à l’électeur de décider (i) si les salaires que méritent intrinsèquement les fonctions elles-mêmes sont raisonnables et (ii) si les individus qui assument éventuellement des fonctions d’État sont suffisamment efficaces pour bien mériter le solde attaché à leur fonction.

DONNER L’EXEMPLE

<p>L&rsquo;histoire est riche en exemples de leaderships politiques qui, en appelant à un effort renouvelé et à des sacrifices de la part des citoyens, commençaient par donner eux-mêmes l&rsquo;exemple.</p>

<p>Ainsi, dans la débâcle qui suivit la crise financière mondiale de 2008-2009, c&rsquo;est le Premier ministre irlandais Brian Cowen qui lançait la balle, dès 2009, en imposant une réduction de salaires de 15% à lui-même et à ses ministres. L&rsquo;Espagne suivait en mai 2010 avec 15% de baisse aussi. Fraîchement élu, David Cameron fixait une réduction de 5% à ses ministres. Nicolas Sarkozy ayant marqué les esprits en augmentant son salaire net par 172% en arrivant à l&rsquo;Élysée en 2007, il y avait un peu de marge de manoeuvre pour que François Hollande réduise ceux des siens de 30% après son arrivée au pouvoir. En novembre 2010, Barack Obama proposait, de son côté, un gel de salaires pour lui-même, le bureau fédéral et les chambres du Congrès et du Sénat. Le régime sec fut imposé en Italie et au Portugal aussi. Sous le général de Gaulle et son Premier ministre Michel Debré, la 5e République débutait avec une réduction de salaires de 30%.</p>

<p>Citons aussi Jose Mujica, président uruguayen de 2010 à 2015. Se décrivant comme le &laquo;candidat des pauvres&raquo;, il réduisit son salaire de président de 12 000 dollars par mois de 90%, canalisant cette réduction vers un programme de logements sociaux et, en partie, à son parti politique, ne touchant plus alors, personnellement, que 1 200 dollars (environ Rs 40 000 à l&rsquo;époque).</p>