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Brian Glover: «S’il n’en tenait qu’à SAJ, les choses auraient été différentes»

15 mai 2016, 08:15

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Brian Glover: «S’il n’en tenait qu’à SAJ, les choses auraient été différentes»

Deux semaines après avoir quitté l’Equal Opportunities Commission (EOC), Brian Glover vide son sac. L’avocat est d’avis que des politiciens ont eu peur de cette institution. D’où son évincement, surtout après l’ouverture de l’enquête sur la nomination de Youshreen Choomka comme directrice de l’Independent Broadcasting Authority. Il défend aussi son bilan à la tête de l’organisme.

Vous avez laissé éclater votre colère après qu’on vous a montré la porte. Ça va mieux depuis?
Mon coup de gueule n’avait rien à voir avec le fait qu’on me demande de partir. C’est la manière de faire qui m’a dérangé. L’Interpretation and General Clauses Act impose une obligation légale à toute personne sous contrat dans un statutory body de continuer ses prestations après l’expiration de son contrat jusqu’à la nomination d’un remplaçant. Je me suis plié aux lois du pays. Rien de plus, rien de moins.

Quand j’entends certains prétendre qu’il fallait impérativement me remettre la lettre avant minuit, vendredi 29 avril, faute de quoi j’aurais pu évoquer une clause de reconduction tacite, soit ils n’ont toujours pas compris la loi, soit ils induisent le public en erreur. Et ça, c’est grave.

Ceux qui mentent outrageusement sur une plateforme publique ne sont certainement pas des gentlemen. Je leur conseille de tini-tini, car maintenant que les masques sont tombés, il ne leur reste pas beaucoup de temps.

Vous attendiez-vous au renouvellement de votre contrat ?
Certainement pas. Lorsque j’ai constaté les tentatives d’intimidation, les insultes et l’arrogance de certains, j’ai vite compris qu’on n’avait pas affaire à des gens corrects. Encore moins à des gens qui respectent les institutions, les compétences et la méritocratie.

Lorsque vous n’êtes qu’un zircon, vous aurez beau essayer de vous embellir avec de faux artifices, vous ne deviendrez jamais un diamant. Si l’effet du zircon est de courte durée, celui du diamant est éternel. Donc, tini-tini mam.

Est-ce vrai que sir Anerood Jugnauth (SAJ) a voulu renouveler votre contrat mais que quelques dirigeants de l’alliance Lepep étaient contre?
Je l’ai déjà dit : s’il ne tenait qu’à SAJ et Xavier-Luc Duval, les choses auraient évolué différemment. En tout cas, c’est ce que j’ai cru comprendre.

Croyez-vous que SAJ n’a pas eu son mot à dire sur le renouvellement de votre contrat?
Posez-lui la question. Moi, je ne sais plus qui dirige quoi.

Pensez-vous qu’Anil Gayan du Muvman Liberater a eu votre tête?
Gayan n’a jamais été en mesure d’avoir la tête de qui que ce soit. Et permettez- moi d’économiser ma salive sur de piètres personnages.

Après votre départ, votre ami Xavier-Luc Duval vous a-t-il exprimé son soutien?
Le lendemain de mon départ, j’ai reçu des centaines d’appels. Il y a eu une vague de soutien insoupçonnable. Je ne vais évidemment pas dire de qui il s’agit et encore moins vous divulguer la teneur de conversations privées. Cependant, si je m’en tiens aux informations publiées ici et là, je crois comprendre que Xavier-Luc Duval s’est senti très mal à l’aise avec la manière dont les choses se sont passées.

Était-il sage d’ouvrir une enquête sur le recrutement de Youshreen Choomka à la tête de l’IBA à quelques jours de la fin de votre mandat?
Pourquoi pas ? Croyez-vous que des institutions telles que l’EOC doivent exister pour faire plaisir aux décideurs du jour? Moi pas. Je n’ai jamais eu peur des représailles. De toute façon, les représailles, c’est l’arme des petits, des faibles.

Vous avez été nommé sous le précédent régime. Cela n’aurait-il pas été mieux de démissionner après les élections générales?
J’y ai songé. Et j’ai partagé le fil de ma pensée avec deux personnalités très importantes. Et ce, deux jours avant les élections. On m’a fait comprendre qu’il fallait que je reste en poste. Cela vous explique pourquoi je suis resté jusqu’en 2016.

Comment se fait-il que des dossiers de 2012 traînent toujours à l’EOC ?
Il n’y a aucun backlog à l’EOC. Fin d’avril 2016, j’ai demandé à des Senior Public Officers de l’EOC de me fournir des statistiques. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2012, 100% des plaintes ont été examinées et 98% ont été complétées. En 2013, 100% des dossiers ont été examinés et 96% ont été bouclés. Ainsi de suite. Sur mes quatre ans à l’EOC, la moyenne est de 100% de cas examinés et 95,7% complétés. Les 4,3% restants sont des cas difficiles à concilier.

Je n’ose même pas imaginer que l’argument de dossiers en souffrance ait pu être utilisé pour jeter le cas Choomka aux oubliettes. Il faut savoir que l’enquête a été bouclée ce fameux vendredi 29 avril. Il ne restait plus qu’à écrire nos conclusions, le lundi 2 mai. Cela aurait pris au pis-aller deux heures de travail. Je préfère ne pas en dire plus.

Que pensez-vous des membres de la nouvelle équipe? Feront-ils mieux que vous?
Il serait très inélégant de ma part de donner mon appréciation sur des membres d’une institution aussi respectée et respectable. Mes membres et moi, nous avons toujours travaillé sereinement afin de faire de l’EOC une institution qui a toute sa légitimité dans notre paysage sociétal.

Nous avons commencé à zéro et après quatre ans, nous avons laissé une institution que craignent certains. Estce que les néo-discriminateurs auront toujours aussi peur de l’EOC? Je ne le sais pas. Le temps nous le dira.

Êtes-vous victime d’une discrimination politique? D’aucuns estiment que votre contrat n’a pas été renouvelé à cause de votre proximité avec Navin Ramgoolam…
Ah ! Vous m’apprenez quelque chose là… Je ne suis victime de rien du tout. C’est la méritocratie et la compétence qui ont été clouées au pilori.

En parlant du leader des Rouges, y a-t-il eu des prises de contact après votre départ de l’EOC?
Comme je vous l’ai déjà dit, beaucoup de personnes m’ont appelé après mon départ de l’EOC. Nombre d’entre elles sont des politiciens de tous bords. Et même des rangs de la majorité. Par respect pour elles, je ne peux évidemment pas en dire plus. Pour le moment.

Aux prochaines élections, dans quel parti politique serezvous candidat?
La politique n’est pas ma priorité pour le moment. J’ai d’autres combats à mener avant. Laissons le temps au temps.

Avez-vous des regrets ?
Non, j’ai eu une expérience extrêmement enrichissante pour plusieurs raisons. La première: quand j’ai dépassé la quarantaine, j’ai voulu servir le pays après avoir exercé 20 ans en tant qu’avocat. J’ai été un boursier de l’État et je voulais exercer dans le secteur public.

La deuxième raison, c’est qu’on a pris un bébé et on l’a fait grandir. C'est devenu une institution. Quand on a commencé, c’était un bouledogue sans dents mais on s’est muni de crocs. Et, aujourd’hui, des gens craignent l’institution. Je dois dire qu’on a travaillé avec sérénité. Nous avions des relations amicales, du planton au senior officer. Mais peut-être certains n’étaient-ils pas sereins vis-à-vis de nous?

Troisièmement, j’ai eu la possibilité d’avoir des contacts humains que je n’aurais pas eus dans ma carrière d’avocat. J’ai vu des larmes, des sourires.

On a souvent dit que l’EOC était un bouledogue sans dents…
Si on n’avait pas de dents, j’y serais encore. On a commencé à montrer les crocs, ce qui a déstabilisé la sérénité de certains.