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Quand la «drogue» fait office de médicament

14 mai 2016, 21:00

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Quand la «drogue» fait office de médicament

Si certains consomment du cannabis pour planer, d’autres l’utilisent pour soulager leurs maux. Ces Mauriciens sont conscients que la consommation de cette drogue est illégale, mais ils en prennent le risque. Des malades que l’express a rencontrés souhaitent que le cannabis puisse être utilisé en toute légalité à des fins médicales, comme cela se fait dans plusieurs pays.

 

«Je ne suis ni un marginal, ni un drogué»

Ivan R. est catégorique. «Je ne suis ni un marginal, ni un drogué. Je consomme du cannabis pour des raisons médicales. Et je ne suis pas dépendant.» L’express a rencontré ce jeune homme de 24 ans dans le courant de la semaine du 9 mai. Cet habitant de Camp-Levieux vit depuis l’année dernière avec la maladie de Crohn. Cette maladie affecte son système intestinal et cause des vomissements répétitifs et des pertes d’appétit.

En 2012, à la suite de problèmes de santé, Ivan est admis à l’hôpital. Il se fait opérer des intestins mais ne sait pas encore de quoi il souffre. Jusqu’à l’année dernière. «Quand j’ai appris que je souffrais de Crohn, une maladie incurable, j’ai commencé à faire des recherches. Je suis tombé sur plusieurs articles selon lesquels le cannabis soulagerait cette maladie», relate-t-il en présence de sa mère.

Il décide d’en parler à ses proches. Ses parents, d’abord réticents, finissent par céder. «Je n’étais pas sous médicaments et mes parents voyaient comment je souffrais. J’ai commencé à me procurer de la marijuana et dès que j’en consommais, les douleurs se calmaient», raconte le jeune homme.

«Je prends le risque, oui, mais avec le cannabis je trouve une échappatoire à mes douleurs». Pour Ivan, légaliser le cannabis serait idéal mais le dépénaliser aurait été mieux.

«Je plante du cannabis pour soigner ma fille»

La fille de Linzy, qui est âgée de dix ans, est souvent sujette à des crises d’épilepsie aigüe. Elle ne peut se rendre à l’école à cause de ses crises répétitives. Elle était même alitée. Pendant les crises de sa fille, Linzy se sentait impuissante car elle ne pouvait lui venir en aide. Cette mère a appris de ses amis, il y a un an, que le cannabis réduirait les crises de sa fille. «Au début, je me disais que c’était illégal, que je ne le ferai pas mais pour ma fille, je suis passée outre. Je suis comme une prisonnière dans ma maison et aller en prison afin que ma fille soit guérie ne peut être pire. Je sais bien que c’est illégal mais la vie de mon enfant compte bien plus pour moi.»

Elle avoue que depuis qu’elle donne une tisane à base de cannabis à sa fille, cette dernière va nettement mieux. Ses crises ont diminué, dit-elle. «Elle n’est plus aussi nerveuse et depuis le début de l’année, ma fille a commencé à s’asseoir», explique cette mère de famille.

Depuis quelque temps, son époux et elle, ont même décidé de cultiver le cannabis. «Le cannabis coûte cher. Et on reçoit souvent des feuilles qui n’ont aucun effet. J’en plante pour en avoir régulièrement. Aucun médicament que je lui ai donné, n’a eu un tel effet sur elle.»

«Se procurer du gandia est devenu difficile»

Y.A., un retraité habitant Rose-Hill, est atteint de glaucome et est malvoyant. Agé de 65 ans, il suit des traitements à l’hôpital de Moka, mais avoue que son état de santé ne s’est pas amélioré. C’est en 1978 qu’il commence à avoir des problèmes de vue. «J’avais souvent des douleurs aux yeux et ma vision se détériorait. Après de nombreux rendez-vous, j’ai appris que j’étais atteint de glaucome.»

À cette époque, le retraité explique qu’il fumait de temps en temps un petit joint. «Cela me soulageait de mes douleurs et mes yeux n’étaient plus rouges. Je pouvais mieux voir», explique-t-il. «Et puis les temps ont changé. Se procurer du gandia est devenu difficile et c’est cher.» Un jour, en écoutant la radio, il entend un médecin qui explique que le cannabis guérirait le glaucome. «Je me suis renseigné auprès des médecins et j’ai découvert une huile faite à base de cannabis qui se vend librement. J’en consomme deux fois par jour.»

«C’était comme si j’avais 10 ans de moins»

C’est à l’âge de 79 ans qu’elle a gouté au cannabis pour la première fois. Tantine Edna, 80 ans, a connu plusieurs complications de santé. Elle se trouvait à La Réunion chez un proche lorsqu’elle a goûté à un thé au cannabis. «Quand je l’ai pris, c’était comme si j’avais 10 ans de moins. Je n’étais plus fatiguée et moins grognon et j’en ai consommé tous les jours pendant mes vacances».

C’est à travers son fils qu’elle a entendu parler du cannabis. «Pendant 79 années, elle n’a pas voulu en entendre parler. Pour elle, c’était une drogue», explique son fils. Le cannabis revient sur le tapis, peu de temps après la mort de ses quatre nièces du cancer. «Alors qu’elle partait pour La Réunion, je lui ai demandé de l’essayer car c’est plus ouvert là-bas».

Au retour de Tantine Edna, son fils remarque bien qu’elle a changé. «Elle était pleine de vie et respirait la joie de vivre.» Mais elle n’a pas gardé ce mode de vie ici. «La police pou trap mwa.»

«Je n’ai pas goûté au fruit défendu, mais…»

Bala Singaravelloo, 72 ans, croit que si le cannabis était légal, sa consommation pourrait guérir sa maladie. Il y a à peine quelques jours, il apprend qu’il est atteint d’un Urothelial Carcinoma de la vessie. Il souffre de son urètre depuis son plus jeune âge et à l’âge de 20 ans, il subit une intervention chirurgicale. Mais 52 ans plus tard, il recommence à avoir les mêmes douleurs. «J’ai fait plusieurs tests. J’ai récemment subi une intervention et j’ai fait une biopsie. Et le couperet est tombé : je suis atteint d’un cancer.»

Il n’a jamais goûté au fruit défendu, mais il a fait des recherches. Il pense que le cannabis pourrait le soulager. «J’ai commencé à me documenter et j’ai appris que le cannabis pourrait améliorer ma santé», dit Bala.