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En Amérique latine, dur d’être femme et arbitre

10 mai 2016, 22:30

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En Amérique latine, dur d’être femme et arbitre

 

Seconde mi-temps. Jeu agressif, coup de sifflet et carton jaune. «Retourne dans ta cuisine», lâche le joueur sanctionné à Melany Bermejo, arbitre péruvienne confrontée au sexisme du football, comme beaucoup de ses collègues latino-américaines.

Elles ne sont qu’un poignée dans le monde... Sur les 720 femmes arbitres recensées par la Fifa, peu en effet franchissent la frontière du foot masculin. Un monde où le machisme règne le plus souvent, une réalité certainement encore plus prégnante en Amérique latine.

Si les femmes sont habituées à diriger des grands matches dans les compétitions féminines, elles sont en revanche le plus souvent cantonnées aux catégories inférieures chez les hommes. Aucune femme n’a d’ailleurs franchi les portes d’une Coupe du monde. Et quand elles parviennent en première division, elles se retrouvent généralement juges de ligne ou «quatrième arbitre». L’Amérique latine n’échappe pas à la règle.

Il y a toutefois quelques exceptions dans ce continent du football-roi, comme les Vénézuéliennes Emikar Caldera et Yersinia Correa, ou encore l’Uruguayenne Claudia Umpierrez, qui a débuté en février comme arbitre de première division masculine.

Parvenir au haut niveau? Ce n’est que l’ultime étape d’une longue course d’obstacles que doivent franchir les femmes arbitres. La première? Passer les mêmes tests d’aptitude physique que leurs collègues masculins.

Suivre des stars comme Lionel Messi ou Cristiano Ronaldo quand ils attaquent depuis le milieu de terrain ? Un défi pour les arbitres, qui doivent pourtant y arriver pour exercer leur métier.

'Va faire la vaisselle '                                                   

«Le test international (conçu) pour les hommes est très exigeant et je le dis car je l’ai vécu directement», raconte à l’AFP Melany Bermejo, 37 ans, arbitre depuis dix ans et professeur d’éducation physique dans une école de Lima.

Loreto Toloza, arbitre assistante de 32 ans qui exerce au Chili, est du même avis : «Le football masculin est plus rapide» que le féminin, donc pour y arbitrer, la barre à franchir est plus haute.

Au Mexique, la première à arbitrer un match de première division a été Virginia Tovar, en 2004. «Va faire la vaisselle», lui avait alors lancé la star locale du ballon rond Cuauhtémoc Blanco.

Depuis les tribunes aussi, les attaques fusent. Ironiquement, ce sont les femmes du public qui se montrent les plus agressives, raconte Lixy Enriquez, arbitre assistante mexicaine de 42 ans.

«Les hommes nous crient des compliments du genre +Moi je veux emmener l’assistante avec moi+», dit-elle.

Enfant, l’Argentine Salome Di Iorio, déjà mordue de ballon rond, s’entendait souvent dire : «Qu’est-ce que tu peux savoir du football si tu es une fille?». Lassée, elle a décidé de suivre une formation d’arbitre.

Depuis qu’elle exerce, elle a connu les crachats ou les joueurs qui demandent, quand elle note les changements, de marquer aussi leur numéro de téléphone.

Il y a également la crainte des agressions. «Un joueur m’a sauté dessus pour une décision qui ne lui plaisait pas», confie la Nicaraguayenne Tatiana Guzman, 28 ans. «Il faut être prête à courir!», lâche-t-elle en riant.

Mentalités à changer

En Argentine, un cas célèbre est celui de Florencia Romano, dont la mère voulait qu’elle devienne mannequin et qui a préféré être arbitre. En 1996 elle s’était mise en grève de la faim pour exiger d’être considérée arbitre professionnelle.

A l’époque, le président du football argentin, Julio Grondona, avait affirmé qu’il était absurde qu’une femme soit arbitre.

Encore aujourd’hui, les mentalités peinent à changer sur la pelouse. «Certains joueurs ne veulent pas et ne s’adaptent pas» à l’idée qu’une femme les arbitre, proférant insultes et remarques machistes, note Johanna Vega, arbitre péruvienne.

«Moi j’entre sur le terrain de façon très sérieuse, il faut presque être psychologue pendant le match» face à un environnement parfois hostile.

Au Pérou, le président de la Commission des arbitres, Julio Arévalo, assure qu’il n’y a aucune discrimination. Selon lui, si une femme franchit avec succès les tests imposés par la Fifa et la Conmebol, elle pourra sans problème exercer en tant qu’arbitre central.

Mais il faudra aussi gagner une autre bataille, face à certains médias. En mars, un commentateur sportif avait estimé que l’arbitre péruvienne Yelier Flores ferait mieux de «vendre des courges». Il a été renvoyé.