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Fabien Lefébure: «Maurice n’est plus dans une bulle touristique»

4 mai 2016, 12:28

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Fabien Lefébure: «Maurice n’est plus dans une bulle touristique»

Moins d’un mois après avoir été nommé à la présidence de l’Association of Inbound Operators Mauritius (AIOM), Fabien Lefébure a déjà un gros dossier sur les bras. Il veut axer son mandat d’une année autour «de l’action et de l’innovation» et fait le point  sur un secteur touristique en pleine ébullition.

Vous êtes le nouveau président de l’AIOM. Comment se portent les tour-opérateurs aujourd’hui?

Le secteur se porte bien. Depuis huit mois, les choses s’améliorent petit à petit. De gros efforts sont consentis depuis quelques mois par le secteur privé, aussi bien que le secteur public. Nous avons souffert pendant quelques années. De 2009 à 2014, nous avons été témoins d’une crise cyclique au niveau des arrivées touristiques. Il y a eu une offre très abondante par rapport à la demande et au nombre d’arrivées touristiques.

Il y a eu un vrai déséquilibre pendant quelques années. Une perte d’attrait de la destination par un phénomène de mode et aussi une montée en puissance de nos concurrents nous ont obligés à nous réinventer.

Il y a eu de vrais efforts de la part des autorités pour stimuler le secteur à la basse saison. Je pense que la grosse différence depuis quelque temps, c’est l’amélioration de la capacité de la desserte aérienne. Avec l’arrivée de Turkish Airlines, d’Austrian Airlines, de Lufthansa et une amélioration de la rotation d’Emirates, on arrive aujourd’hui à désenclaver l’île Maurice qui, par nature, est difficile d’accès. C’est là l’avenir si on veut justement actionner le levier en termes d’arrivées touristiques. Il faut qu’on ait une capacité aérienne, il faut avoir les moyens de nos ambitions.

Un momentum a été créé. Il y a une bonne dynamique. C’est quand les choses sont en train de repartir qu’il faut mener une vraie réflexion. Et poser les fondations de notre industrie pour nous développer de manière sereine dans les mois et les années à venir.

Avec l’ouverture de notre espace aérien, il est possible d’imaginer que le pays puisse potentiellement accueillir une nouvelle vague de touristes. Quel est leur profil?

Je crois que le profil des clients dépend du positionnement du produit et du positionnement de la destination Maurice. Si on conserve un positionnement de qualité, si le message est clair et que nous sommes tous alignés sur les mêmes objectifs qui sont de maintenir Maurice comme destination phare, en volume et en qualité de référence, le profil des clients va suivre.

Si on part dans le mauvais sens, l’impact sera immédiat en termes de clientèle. Ce n’est pas le pays qui est concerné mais c’est le positionnement de la destination qui fait qu’on accueillera les touristes qu’on souhaite avoir. C’est pour cela que nous avons besoin d’un plan directeur et d’un alignement de toute l’industrie.

Comment les opérateurs réceptifs se préparent-ils pour que cette vague trouve sa place dans le paysage touristique de Maurice?

De nombreux efforts doivent être faits. On s’y prépare tous, à des niveaux différents. Les membres de l’association ont des profils de partenaires touristiques différents. De plus, l’un des moyens d’anticiper est de rester proche et à l’écoute des marchés et des clients. Il faut éviter tout phénomène de nombrilisme mais rester connectés. Comprendre la clientèle et bouger en fonction de l’évolution du marché.

Un autre élément important consiste à s’adapter à la modernité et à l’innovation. Notre métier est complexe par nature. Réservation, assistance, transfert, excursions, ça demande une grande agilité de la part de nos membres, s’ils veulent satisfaire la demande. Nous sommes prêts à réagir et à accueillir les clients divers qui sont de plus en plus avertis par rapport aux destinations qu’ils visitent.

Il y a le marché traditionnel européen, le marché asiatique qui s’est affirmé, et tout récemment le marché nordique (scandinave). Quelle stratégie les tour-opérateurs ont-ils mise en place pour promouvoir la destination mauricienne dans la même veine que celle des autorités pour venir à bout de la basse saison?

En tant que réceptif ou Destination Management Company, nous agissons pour la plupart en tant qu’intermédiaire mandaté par les tour-opérateurs internationaux, notamment TUI, Thomas Cook, Voyageurs du Monde. Il y a des opérateurs de référence et de grosses pointures à l’international que les membres de l’AIOM représentent sur place.

Nous sommes en quelque sorte les garants d’un certain service. En tant que relais, on fait aussi des simulations. On travaille avec eux afin de proposer les meilleures offres possibles, d’apporter de l’attractivité à la destination Maurice pour pouvoir mieux  les vendre à l’étranger. Cette promotion table sur deux points principaux. Étoffer l’offre mauricienne, renforcer le produit MICE (NdlR, Meetings, Incentives, Conferences and Events), un segment en plein développement et ensuite venir stimuler cette offre, de manière à appuyer l’effort marketing et la promotion. On a touché presque 700 000 touristes sur 1,1 million. Il y a un effort qui est réalisé en termes d’investissement marketing. Plus de Rs 200 millions sont dépensées annuellement en marketing. Ce qui représente quasiment la moitié du budget annuel de la Mauritius Tourism Promotion Authority.

Avec des initiatives telles que le couloir aérien, l’arrivée de Turkish Airlines, et la venue prochaine d’Air Asia, y aura-t-il enfin la lumière au bout du tunnel en ce qui concerne la question de sièges aériens versus les chambres d’hôtels?

Il y a eu une vraie impulsion dans cette direction. Il y a eu une ambition des autorités d’améliorer la connectivité de la destination Maurice. Cet effort pour ouvrir davantage le ciel mauricien aux opérateurs internationaux va dans la bonne direction. On ne peut pas travailler en tant qu’île, à faire la promotion sans avoir la possibilité et la capacité d’amener les touristes sur notre île. Notre objectif, c’est la qualité de notre destination.

Après que ce secteur a été mentionné par le Premier ministre comme étant un des secteurs potentiellement pourvoyeurs de croissance, faut-il revoir la politique en matière de construction de chambres d’hôtels?

C’est un sujet tellement sensible et complexe. Les opérateurs commencent à sortir la tête de l’eau. Je ne crois pas qu’il faille se réjouir trop vite et prendre des initiatives qui peuvent recréer un déséquilibre. Il faut d’abord consolider les choses, travailler en profondeur et avoir une réflexion nationale sur l’ensemble des parties prenantes et sur l’avenir à donner à notre secteur touristique.

Il faut planifier pour les dix prochaines années – et mener une réflexion à ce niveau. Il faut favoriser les projets, surtout s’ils s’inscrivent dans une démarche qualitative et innovante. C’est un sujet profond qu’il ne faut pas négliger ou prendre à la légère. Il faut cette réflexion commune et collégiale avec de vrais professionnels qui aident au développement de la destination, afin de mener à bien leurs projets.

Quels sont les nouveaux types de services qu’il faudra promouvoir pour satisfaire les exigences des nouveaux marchés en termes d’habitudes culturelles, gastronomiques ou mêmes linguistiques?

On a l’habitude de fonctionner d’une certaine manière depuis des années et on est plus conscient des possibilités qui existent dans le monde. On n’est plus dans une bulle touristique. Aujourd’hui, Maurice est en compétition avec les îles et autres destinations attrayantes. Il faut se diversifier. Il faut arriver à former nos employés. Dans le secteur réceptif, la plupart de nos guides sont formés. Il y a un portefeuille étoffé de langues pratiquées. C’est une force que possède Maurice. La plupart de nos membres investissent aussi dans la technologie qui est inéluctable aujourd’hui. Il faut savoir s’adapter à tout cela pour pouvoir répondre aux attentes et rester les pionniers, les leaders dans le monde.

Vous semblez dire dans une de vos déclarations que les taxes imposées sur les billets d’avion sont une entrave à la compétitivité de Maurice par rapport aux autres marchés. N’y a-t-il pas d’autres facteurs susceptibles d’atténuer ou de faire disparaître les effets de notre niveau de compétitivité par rapport aux autres?

Ça peut-être un stimulus important pour la basse saison. Maurice, avec un climat moins sympathique, a tendance à attirer moins de monde. On peut essayer de venir compenser en diminuant les taxes aéroportuaires et apporter un peu de compétitivité à l’offre mauricienne.

Les hôtels font des efforts énormes pour essayer de faire des promotions diverses et variées qui viennent diluer leur rentabilité alors qu’il y a une disparité au niveau des billets d’avion. S’il y a une possibilité de revoir la taxe sur les billets d’avion, extrêmement élevée à Maurice, ce serait une bonne chose pour la période de basse saison.

Ne pensez-vous pas que le forfait All-Inclusive que proposent certains hôtels constitue un obstacle pour les petits opérateurs et qu’il faut revoir le concept afin que les deux puissent en sortir gagnants?

L’All-Inclusive apporte un revenu additionnel aux hôtels qui arrivent à capter une certaine clientèle qui ne viendrait peut-être même pas à Maurice sans cette offre. Ce serait hasardeux et risqué de venir critiquer l’All-Inclusive de manière très directe. Je ne crois pas qu’il faille jeter la pierre aux hôteliers. Il faut essayer de travailler de concert avec eux, pour stimuler les choses. L’All-Inclusive est un produit spécifique. Je suis pour l’All-Inclusive de qualité, soit donner à boire et à manger aux clients qui veulent rester dans les hôtels. Au lieu de se cantonner à l’All-Inclusive qui est purement du domaine de l’hôtellerie, on peut venir créer différentes activités hors de l’hôtel, pour faire connaître Maurice aux touristes, comme une vraie destination, avec une culture qui est tournée vers l’accueil, le partage – c’est là la force de Maurice.

Et si on parlait de Solis Indian Ocean. Quel effet l’affaire BAI a-t-elle eu sur Solis Indian Ocean? Êtes-vous remis aujourd’hui?

L’affaire BAI était un épisode extrêmement douloureux à titre personnel et professionnel. Nous sommes sortis d’affaire depuis un an et nous sommes repartis sur une dynamique extraordinaire. Depuis que je suis arrivé à Solis – cela fait quatre ans – l’entreprise a doublé son chiffre d’affaires  et le nombre de clients. En quatre ans, un second Solis a été créé. C’est important. Quelque chose de vraiment positif. On a toujours eu une démarche fondée sur la qualité et je crois que ça réaffirme notre ambition et que c’est une vraie motivation d’être le partenaire et le réceptif de référence à Maurice. C’est un exemple de réussite. Avec un positionnement fort, de la persévérance, de la conviction, on arrive à atteindre les objectifs.