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Au Grenier: quand la couleur déboule sur le parking

4 avril 2016, 09:35

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Au Grenier: quand la couleur déboule sur le parking

Mais où regarder ? Entrer dans le Grenier pour visiter l’exposition Borderline, c’est être happé par l’espace. Un lieu – atypique pour une exposition – qui domine les peintures, sculptures, photos, gravures, vidéos et installations. Un Grenier massif, historique, relégué à la fonction basique de parking, dans une capitale qui en manque cruellement. C’est ce Grenier imposant qui abrite l’exposition d’art contemporain Borderline jusqu’au jeudi 14 avril. Une initiative originale du tandem de The Third Dot, Alicia Maurel et Laetitia Lor.

Ce n’est que progressivement que l’on s’ajuste au lieu. Et que le regard décide d’un itinéraire. Un regard traître, car même quand il se fixe sur les œuvres exposées, il ne peut s’empêcher de remarquer, ici le fil électrique qui pend, là le niveau inégal du sol. Ou d’être sensible à la chaleur qui règne dans le Grenier, alimentée par les projecteurs qui éclairent cet espace habituellement sombre.

Regard, cesse de vadrouiller. Laisse cette petite ouverture, taillée dans la brique, à ras de sol, où tu vois la mer. Reviens aux œuvres. Mais le Grenier est plus malin. Il nous fait des clins d’œil dans les œuvres dispersées. Il est là, en arrière-plan, dans l’une des photos d’Yves Pitchen.

Le Borderline du photographe, c’est de nous ramener vers les années 80. Les couleurs n’ont pas bougé. C’est un Maurice qui n’est plus Maurice. Les dockers couverts de sucre ne sont plus. La barge pour le transport de cette denrée non plus. Et pourtant, le Grenier se souvient des jours où il était notre garde-manger.

ART HYBRIDE

Encore ce regard, qui refuse de se fixer. Il se pose cette fois sur ces dames, dont l’une porte l’uniforme bleu marine d’une société de nettoyage. Elles sont venues en voisines, elles, qui sont préposées au nettoyage au front de mer voisin. L’art contemporain est venu jusqu’à elles, elles l’ont suivi. La dame en uniforme et ses amies, qui ne fréquentent pas les galeries, ont fait le tour en faisant des sourires. Rapprochant leur nez très près des œuvres ou leur tournant vite le dos pour passer à autre chose. Qu’importe. Elles sont venues. D’autres encore auraient pu venir si The Third Dot avait semé des points de visibilité de l’exposition dans la ville. Mais ça, c’est un autre débat.

Inextricable, comme le banian reconstitué par Nirmal Hurry. Enchevêtré comme les racines de Krishna Luchoomun. Elles ont l’air de vouloir pousser hors du cadre pourtant grand format des toiles aux couleurs brillantes et contrastées. Miroir de nos complexes d’identités.

Que savons-nous de l’autre ? Azim Moollan nous interroge avec son installation ID Graf. Une machine où il faut être deux, pour se regarder dans l’autre. Et admettre que nous sommes hybrides, comme le suggère Chloé Ip. Jusqu’à ce que le végétal ait des allures de minéral, comme dans les sculptures de Deanna de Marigny.



Le Grenier, histoire dépoussiérée

Construit entre 1926 et 1929, selon le site de l’Aapravasi Ghat. Ce bâtiment massif, en briques rouges, a pour modèle des bâtiments similaires, qui existent dans les ports britanniques, dont celui de Liverpool. Entre 1930 et 1970, le Grenier a servi à entreposer des sacs de sucre, de riz et de farine, entre autres. Le bâtiment a été recommandé pour être inscrit sur la liste du patrimoine national en 2005. Entouré de tableaux et d’oeuvres d’art en tous genres, le regard se laisse aisément distraire dans le grand espace éclairé.