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Yogesh Singh: «Il faut des mesures incitatives pour encourager nos manufactures locales à exporter dans la région»

30 mars 2016, 21:05

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Yogesh Singh: «Il faut des mesures incitatives pour encourager nos manufactures locales à exporter dans la région»

Quatre ans après une première nomination au poste de Chairmain de la MEXA, Yogesh Singh est de retour. Il estime que le secteur de l’exportation se doit d'être plus compétitif et résilient. Le port franc devra aussi être réorganisé afin d’encourager les manufacturiers locaux à exporter vers l’Afrique. 

Lors de sa dernière assemblée générale, la MEXA a parlé de son Export Strategy. Pouvez-vous nous en dire plus?

Tout a commencé quand le Premier ministre a rendu public l’Economic Mission Statement Vision 2030, qui mettait l’accent sur le secteur manufacturier. Ce qui a été fort encourageant, surtout à un moment où les exportateurs sentaient que le gouvernement leur portait de moins en moins d’intérêt. Nous étions à la recherche de telles mesures incitatives.

L’Economic Mission Statement est comme un encouragement, qui nous a poussés à contribuer à la vision du gouvernement. Le défi est d’augmenter la contribution du secteur au produit intérieur brut, qui est actuellement de 18%, à 25%. L’autre défi posé par le gouvernement au secteur privé : contribuer Rs 575 milliards de plus et créer 5 000 emplois dans les trois prochaines années. Ces objectifs peuvent tout à fait être atteints. Nous, les exportateurs, sommes prêts à les réaliser. Mais créer un environnement propice au business demeure indispensable. Il faut savoir que le taux de croissance pour le secteur de l’exportation a oscillé entre 2% et 3% ces cinq dernières années. Et d’un point de vue cumulatif, le secteur a connu une croissance nominale de 13%.

Notre objectif est de dépasser un taux de croissance de 5% par an et cette croissance viendra de nos principaux secteurs comme le textile et l’habillement, le seafood, la bijouterie ainsi que d’autres secteurs manufacturiers. Ceux-ci représentent nos principaux secteurs d’exportation.

Il faut aussi faire ressortir que l’industrie d’exportation demeure toujours créatrice d’emploi et augmente toujours les recettes du pays malgré les tumultes des marchés internationaux. La MEXA a rencontré 25 des plus gros exportateurs du pays, qui représentent à eux seuls 85% de nos exportations dans différents secteurs. Nous finaliserons bientôt notre export strategy qui émane de ces principales entreprises et nous travaillons également avec le gouvernement qui élabore actuellement une stratégie d’exportation. L’objectif est que l’on puisse aligner notre stratégie sur celle du gouvernement.

La MEXA vient d’effectuer un rebranding. Expliquez-nous le rôle de l’association à l’avenir, notamment dans une économie en pleine mutation...

Nous avons toujours été fiers de notre organisation et avant 2007 elle était connue sous le nom de Mauritius Export Processing Zone Association (MEPZA). Nous avons procédé à un rebranding en 2007 après le démantèlement de l’Export Processing Zone. Depuis, nous sommes devenus la Mauritius Export Association, afin de pouvoir couvrir un plus grand nombre de secteurs manufacturiers, comme l’ingénierie légère, la bijouterie etc. Depuis que nous avons élargi notre base d’adhésion, le nombre d’adhérents a augmenté de 50% sur trois ans. Nous représentons à ce jour plusieurs secteurs, des petits aux grands exportateurs.

Notre tout dernier exercice de rebranding a pour objectif de renforcer notre présence sur le marché et d’accroître notre visibilité car il est important pour Maurice d’augmenter le nombre de ses entreprises exportatrices ainsi que la valeur des exportations afin de pouvoir faire grimper la contribution du secteur au produit intérieur brut (PIB).

Nous avons également des membres au niveau de la logistique, un secteur crucial pour tout pays exportateur. Surtout pour nous qui sommes une île et qui dépendons énormément de nos importations et exportations. Le port doit être efficient, les transitaires fully knowlegeable, la douane doit travailler avec nous et l’aéroport doit délivrer les marchandises dans les délais.

Comment voyez-vous l’avenir de l’Africa Growth and Opportunity Act (AGOA) avec l’arrivée du Trans Pacific Partnership Agreement (TPP)? Comment Maurice compte-il faire face à la concurrence vietnamienne, notamment au niveau du textile ?

C’est déjà une bonne chose que l’AGOA ait été renouvelé pour 10 ans et cela rassure les exportateurs qui peuvent désormais songer à investir et à recruter. Toutefois, il y a la menace du TPP, un accord entre les pays de la région transpacifique et les États-Unis qui plane sur nous. Cet accord leur offre la possibilité d’exporter en duty-free vers le marché américain, un peu de la même manière que l’AGOA l’a fait pour nous. Et c’est surtout le Vietnam qui est notre principale menace à ce niveau. Ce pays exporte pas moins de 3 milliards de m2 de textile vers les États-Unis.

À titre de comparaison, les 10 plus gros pays exportateurs sous l’AGOA exportent un total de 254 millions de m2 de textile. Et ce en duty-free ! Donc lorsque le Vietnam deviendra duty-free, cela deviendra une véritable menace pour les pays membres de l’AGOA. Mais pour l’heure, l’accord n’a été ratifié qu’au niveau des pays de la région transpacifique, mais pas aux États-Unis. Mais cela risque d’arriver après les élections (NdlR, les présidentielles américaines).

Comment Maurice pourra-t-il faire face au TPP ?

Nous devons impérativement améliorer notre compétitivité au niveau du prix tout en réduisant nos délais de livraison sur le marché américain. À titre de comparaison, le temps d’acheminement des marchandises de Maurice jusqu’à la côte est des États-Unis, est de 40 à 45 jours. Du Vietnam à la côte est des États-Unis, cela prend 25 jours. Et vers la côte ouest, cela ne prend que 18 jours. Voilà pourquoi nous devons impérativement devenir plus compétitifs. Nous travaillons avec le gouvernement en ce sens.

Qu’en est-il de la tendance à la délocalisation? Celle-ci est devenue une véritable option envisagée par plusieurs sociétés manufacturières à Maurice, notamment les grandes entreprises exportatrices, en raison des contraintes administratives et des coûts de production élevés à Maurice. Quelles options reste-t-il à l’industrie exportatrice pour demeurer à Maurice?

Il est indéniable que le secteur de l’exportation est important pour l’économie du pays. Maintenir son efficience demeure indispensable. Toutes les mesures administratives au niveau gouvernemental auront un impact sur l’efficience du secteur manufacturier. Il est vrai qu’il y a beaucoup de choses à améliorer, notamment en termes d’ease of doing business. Toutefois, les autorités sont tout à fait conscientes qu’il y a un goulot d’étranglement au niveau administratif. D’ailleurs l’un d’entre eux concerne le recrutement de travailleurs étrangers. Des fois, il s’agit aussi des procédures pour l’octroi de permis.

Il est clair qu’aujourd’hui, Maurice n’est plus un low-cost producing country. Mais cela ne veut en aucun cas dire que nous devons faire l’impasse sur le secteur de l’exportation. En fait, Maurice ne peut survivre sans une industrie exportatrice. Raison pour laquelle le gouvernement a mis l’accent sur le développement du secteur car la stabilité de l’économie repose sur l’industrie manufacturière.

La plus grosse contrainte est peut-être celle du recrutement des travailleurs étrangers. De plus, bien que nous ayons parlé des diverses façons dont les gens peuvent rejoindre le secteur, les jeunes ne sont toujours pas assez enthousiastes à l’idée d’y travailler. Mais afin de maintenir nos marchés d’exportation, il nous faut livrer les marchandises dans un délai serré.

Voilà pourquoi nous préconisons une politique de l’emploi plus flexible. Il est aussi très important que le gouvernement ne vienne pas de l’avant avec un wage policy qui serait au détriment de notre compétitivité. Nous pensons que le secteur peut attirer 20% de commandes de plus vers Maurice. Pourvu que nous soyons compétitifs en termes de prix et de livraison. Ces deux aspects sont complémentaires.

Comment le secteur de l’exportation peut-il se réinventer?

Notre secteur s’est toujours réinventé car il nous fallait maintenir notre compétitivité dans un environnement international en perpétuelle mutation et dans le contexte de la globalisation de l’économie qui a débuté il y a 20 ans. Dans les années 2000, le secteur employait 90000 travailleurs et le chiffre d’affaires du secteur de l’exportation était de Rs 30 milliards. Aujourd’hui, le secteur emploie 55 000 personnes et son chiffre d’affaires est de Rs 48 milliards

Nous avons pratiquement réduit de moitié le nombre d’employés tout en doublant nos exportations. Cela démontre que nous avons su être innovants et plus productifs. Nous produisons plus avec moins d’employés. Même lorsque la Chine s’est imposée comme un géant de l’exportation, nous avons survécu. C’est un processus en continu.

Mais pour que le secteur continue à innover, il y a deux aspects importants à considérer pour ajouter de la valeur à nos exportations. Nous avons besoin de compétences innovantes et d’investissement dans la technologie. Notre stratégie d’exportation consiste à consolider les secteurs traditionnels mais en y apportant de la valeur ajoutée.

Les secteurs de haute technologie devront être capital intensive and nous avons par conséquent besoin de high valued skills comme des ingénieurs ou des techniciens ainsi que plus d’investissement au niveau du capital. La MEXA travaille sur une plus grande sensibilisation auprès des jeunes afin qu’ils soient au courant des opportunités d’emploi qui existent dans le secteur manufacturier. Des emplois à la fois stimulants et tournés vers la technologie afin de les inciter à rejoindre le secteur. Nous devons aussi penser à développer de nouveaux secteurs en vue de diversifier notre base d’exportation.

Quelles sont ces nouvelles voies ?

Par le secteur des dispositifs médicaux notamment. Nous devons être plus agressifs dans notre stratégie de promotion pour attirer l’investissement dans les secteurs de haute technologie tout en développant l’économie bleue. Il nous faut réorganiser le secteur du port franc dans son intégralité car il a le potentiel d’attirer un grand nombre d’activités manufacturières, notamment l’ingénierie légère pour l’exportation. Il y a également des industries de haute technologie qui sont capital intensive. Ces dernières viendront produire à Maurice pour les marchés africains. Nous devons élaborer des mesures incitatives pour encourager nos entreprises manufacturières locales à exporter dans la région.