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L'hommage de Barcelone à Cruyff: «Il a fait de nous des gagnants»

26 mars 2016, 19:47

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L'hommage de Barcelone à Cruyff: «Il a fait de nous des gagnants»

C'est Johan Cruyff qui «a fait de nous des gagnants»: le Barcelonais Jose Gilabert Cortina, employé d'imprimerie à la retraite, pleurait discrètement samedi parmi les milliers d'admirateurs venus au Camp Nou signer le livre de condoléances pour cette "légende" du Barça.

«Quand il est arrivé il y a 43 ans comme joueur, je venais à tous les matches pour le spectacle qu'il nous offrait», se souvient cet homme de 69 ans, deux jours après l'annonce du décès du «Hollandais volant» dans sa ville d'adoption, Barcelone, dans le nord-est de l'Espagne.

«Nous étions une équipe de perdants, cela faisait quatorze ans que nous n'avions pas gagné une Liga, et tout a changé avec lui. On aurait cru que le football était devenu un autre sport», dit ce Barcelonais, larmes aux yeux sous ses lunettes, comme beaucoup d'hommes de sa génération, mêlés à la foule d'Espagnols, de Chinois, de Japonais ou autres Marocains défilant dans «l'espace de condoléances» ouvert jusqu'à mardi par le club en deuil.

La première de Cruyff au Camp Nou, en 1973, «ce fut comme une révélation», se souvient aussi Fidel Diaz Fernandez, 74 ans, chauffeur de taxi à la retraite, venu au stade en voisin.

Une révélation par le style et la liberté qu'affichait cet athlète de 1,80 m aux yeux clairs, qui aimait «être lui-même», avec sa coupe de cheveux à la Beatles.

Cheveux longs = travesti

Le dictateur «Franco était encore au pouvoir et on ne pouvait pas porter les cheveux longs à cette époque sans passer pour un travesti. Lui le faisait», s'amuse Fidel.

Chacun vante surtout la révélation qu'il fut sur la pelouse : «Il était toujours en train d'inventer quelque chose», s'émeut Franck Charles, 70 ans, auteur de chansons de supporters du club. Et quand il était entraîneur du FC Barcelone, de 1988 à 1996, «je me souviens d'une très jolie phrase qu'il disait aux joueurs avant qu'ils entrent: +les gars, amusez-vous+. Et ils s'amusaient!»

«Messi, aujourd'hui, est celui qui lui ressemble le plus», assure-t-il, sous la grande affiche de l'équipe du Barça actuelle qui orne le stade: «Comme disait Cruyff, pas la peine de courir beaucoup pour maîtriser le jeu, et Messi court peu».

Et soudain, Fidel, l'ancien taxi aux cheveux gris, se met à rire franchement au fantastique souvenir du but de légende inscrit par Cruyff contre l'Atletico Madrid, à la 44e minute, le 22 décembre 1973: l'attaquant fendant l'air pour venir, en suspension, face au deuxième poteau, frapper le ballon de sa jambe droite en extension...

Hollandais catalan

Et il s'amuse de voir les rivaux éternels du Barça, comme l'actuel président du Real Madrid, Florentino Perez, venir jusqu'à Barcelone lui rendre hommage et saluer celui qui «changea la vie du football», 43 ans après l'humiliation du Real, battu 0-5 à domicile par le Barça de Cruyff.

Révélation, Cruyff l'a été aussi pour les républicains catalans, perdants de la guerre civile espagnole, quand il arriva deux ans avant la mort de Franco. «C'était un Hollandais plus Catalan que beaucoup de Catalans. Il a beaucoup appuyé les Catalans dans leurs luttes», notamment en insistant pour appeler son fils Jordi, prénom régional interdit par l'administration espagnole qui voulait l'obliger à le baptiser Jorge, rappelle Franck. 

«Sous le franquisme, Cruyff avait été le premier à porter au bras les couleurs de la Catalogne, comme brassard de capitaine», assure aussi Jose. «Qu'il ait été indépendantiste ou non, je ne le sais pas, mais il était clairement pour un référendum d'autodétermination pour que les Catalans décident de leur avenir».

Devant les caméras, le président de la région, l'indépendantiste Carles Puigdemont, en profite pour vanter la capacité de Cruyff à «parier sur le talent collectif». «Au nom du pays, merci», dit-il, pour «tous les Catalans».