Publicité

Des nez rouges à travers le monde pour un clown palestinien en prison

26 mars 2016, 14:49

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Des nez rouges à travers le monde pour un clown palestinien en prison

Nez rouges et perruques fluorescentes en Europe, roulotte colorée devant une prison israélienne ou chants brésiliens en son nom. Un peu partout dans le monde, des artistes de cirque se mobilisent pour un clown palestinien détenu par Israël.

Cette vague de soutien en faveur de Mohammed Abou Sakha, jongleur et moniteur de cirque pour enfants handicapés mentaux, a braqué une fois de plus les projecteurs sur l'incarcération par Israël de centaines de Palestiniens sans procès ni inculpation.

Devant la prison du nord d'Israël où il a été un temps incarcéré, une dizaine d'artistes de cirque israéliens sont récemment venus dénoncer l'emprisonnement du Palestinien de 24 ans.

Lundi, alors qu'un tribunal militaire examinait son appel contre sa détention, Hanita-Caroline Hendelman, artiste et militante israélienne, était de nouveau là. Sous un vent battant, elle a chanté pour lui avec son tambourin.

Cette femme qui le connaît bien a tenté de lui fournir des équipements de cirque en prison. «On me l'a refusé, mais je sais qu'il s'entraîne à l'intérieur, et forme certains de ses codétenus qui ont à peine 12 ou 14 ans».

Raja Abou Sakha, sa mère qui n'a pu lui rendre visite que deux fois depuis son arrestation mi-décembre, est émue par cet élan de sympathie. «Au Brésil maintenant, il y a sept chansons en son nom», affirme-t-elle, «des gens là-bas connaissent maintenant l'histoire de Mohammed».

La page Facebook de l'école de cirque de Bir Zeit, en Cisjordanie occupée, où Mohammed exerçait, est une litanie d'appels de soutien venus de New York, Rio ou Copenhague.

Membre d'une organisation «terroriste» ?

Ici, c'est une vidéo d'artistes déguisés qui dansent à Londres; là, une mosaïque de photos d'anonymes du monde entier, nez rouge vissé sur le nez et pancarte «Free Abou Sakha» (Libérez Abou Sakha) en main.

Environ 700 Palestiniens sont détenus par Israël sous le régime de la détention administrative, qui permet d'incarcérer des suspects pour plusieurs mois renouvelables indéfiniment, sans leur en notifier les raisons. Une mesure régulièrement dénoncée par l'ONU et les défenseurs des droits de l'Homme.

Israël le défend comme un outil essentiel pour empêcher des individus dangereux de nuire et de commettre des attentats, tout en gardant secrètes des informations sensibles.

Les autorités israéliennes n'ont jamais dit clairement quel danger pose Mohammed Abou Sakha.

Publiquement, la sécurité intérieure l'accuse d'appartenir au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), d'inspiration marxiste. Le FPLP, qui s?est signalé par ses détournements d?avion dans les années 60 et 70, est considéré comme une organisation terroriste par Israël, les Etats-Unis et l?Union européenne.

Lundi soir, sous le chapiteau où officiait Mohammed Abou Sakha, l'école de Bir Zeit proposait une mise en scène onirique de la prison.

Une trapéziste se haussait au-dessus d'un grillage et de barreaux dont elle s'échappait en se contorsionnant, tandis que des jongleurs tournaient en rond derrière les grilles.

En prison, Abou Sakha poursuit ses numéros de cirque «pour oublier la prison, et imaginer qu'on est libre», selon ses propres mots cités par sa mère.

«Dessiner des sourires»

Présenté au juge à huis clos et défendu par un avocat interdit d'accès au dossier, le prisonnier ne sait pas quand il sortira. Le juge comme l'avocat sont totalement désarmés face «au procureur militaire qui avance un danger pour la sécurité publique sans préciser ce qu'est ce danger», affirme à l'AFP le juriste palestinien Mourad Jadallah.

«Les enfants nous demandent régulièrement où il est et quand il reviendra. Tout ce qu'on peut dire c'est: «il est en prison, il sortira peut-être cet été, peut-être plus tard»», témoigne son cousin Nour Abou Rob qui a rejoint en 2007 le cirque avec Mohammed Abou Sakha et, comme lui, en est devenu l'un des animateurs.

Au fil des ans, l'école de cirque de Bir Zeit a recruté des jeunes dans le reste de la Cisjordanie et compte désormais plus de 300 élèves, garçons et filles.

Malgré l'absence de Mohammed Abou Sakha, pesante, le cirque tente de poursuivre son travail. Pour l'instant, la tournée est maintenue dans les théâtres de Cisjordanie, assurent ses compagnons. Et ils se gardent encore de remplacer les numéros de celui qui possédait selon eux le «don magique de dessiner des sourires sur tous les visages».