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Migrants: "position commune" de l'UE avant une négociation finale avec Ankara

18 mars 2016, 07:33

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Migrants: "position commune" de l'UE avant une négociation finale avec Ankara

Après de laborieuses tractations à Bruxelles, les dirigeants de l'UE ont trouvé dans la nuit une "position commune", qu'ils présenteront vendredi à la Turquie afin de sceller un accord censé stopper l'afflux de migrants vers l'Europe.

Il y a un "accord sur une position de l'UE", et le président du Conseil européen Donald Tusk "la présentera au Premier ministre turc avant notre conseil européen" vendredi matin, a annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel sur son compte Twitter.

Il "n'y a pas d'accord formel" entre Européens, a nuancé une source européenne, mais "une position commune" avec des "lignes rouges" à ne pas franchir.

Cette position servira de mandat de négociation à M. Tusk, qui est chargé de finaliser un accord avec le chef du gouvernement turc Ahmet Davutoglu.

"Les 28 ont agréé une proposition qui va maintenant être discutée avec la Turquie et je ne peux pas vous garantir qu'il y aura une conclusion heureuse", a déclaré de son côté le président français François Hollande.

Plusieurs Etats membres craignent une illégalité de la mesure phare du plan en négociation: le renvoi de tous les nouveaux migrants arrivant en Grèce depuis la Turquie, y compris les demandeurs d'asile.

D'autres refusent d'aller trop loin dans les contreparties promises à Ankara, en particulier Chypre, qui a toutefois évoqué jeudi pour la première fois un "compromis" possible.

Donald Tusk rencontrera le dirigeant turc vendredi matin, en présence du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

"Notre proposition est toujours sur la table", a expliqué M. Davutoglu avant de s'envoler pour Bruxelles. "Mais la Turquie ne deviendra jamais une prison à ciel ouvert pour les migrants", a-t-il prévenu.

Depuis le début de l'année, plus de 143.000 personnes sont arrivées en Grèce via la Turquie, portant à plus d'un million les entrées en Grèce, depuis janvier 2015, de migrants fuyant pour la plupart la Syrie en guerre, l'Irak et l'Afghanistan, selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

Cet afflux, combiné avec la fermeture de la "Route des Balkans", place la Grèce et les milliers de migrants qui y sont bloqués dans une situation intenable. Et accentue la pression pour que les Européens s'entendent avec Ankara.

- 'Compromis' -

Les Européens ont été surpris de l'ampleur de la "proposition turque" avancée lors du précédent sommet du 7 mars: Ankara est désormais disposé à reprendre tous les nouveaux migrants gagnant les îles grecques, y compris les demandeurs d'asile.

Mais l'ONU a mis en garde contre l'illégalité de "possibles expulsions collectives et arbitraires" vers la Turquie. La Commission a elle assuré, analyse juridique à l'appui, que tout accord respecterait le droit international, promettant des procédures individualisées pour tous les migrants.

Aux termes du pré-accord, les Européens s'engageraient, pour chaque Syrien renvoyé, à "réinstaller" dans l'UE un autre Syrien depuis la Turquie. Ce dispositif serait dans un premier temps plafonné à 72.000 places offertes en Europe.

En contrepartie, la Turquie obtiendrait une nouvelle aide substantielle de l'UE, qui pourrait jusqu'à doubler la promesse de trois milliards d'euros pour les 2,7 millions de réfugiés syriens accueillis sur le sol turc.

Ankara arracherait également une accélération du processus de libéralisation des visas pour ses ressortissants, ainsi qu'une relance de ses négociations d'adhésion à l'UE, bloquées par le contentieux historique avec Chypre.

Jusqu'alors inflexible contre la possibilité d'ouvrir rapidement de nouveaux chapitres de ces négociations, le président chypriote Nicos Anastasiades a toutefois entrouvert une porte jeudi, disant espérer "un compromis durant les délibérations qui vont suivre".

- 'Chantage'-

Alors que plusieurs pays de l'UE renâclent à s'entendre avec un pouvoir islamo-conservateur accusé de dérive autoritaire, le président Recep Tayyip Erdogan a réclamé mercredi la levée de l'immunité de parlementaires pro-kurdes.

Et le magazine allemand Der Spiegel a dénoncé jeudi une atteinte "à la liberté de la presse" après que son correspondant en Turquie a été contraint de quitter le pays, son accréditation n'ayant pas été renouvelée.

De Washington, la Maison Blanche a ajouté sa voix, exhortant jeudi la Turquie à respecter les valeurs démocratiques.

"Il n'est pas question de brader nos valeurs", a prévenu le Premier ministre belge Charles Michel, refusant une négociation avec Ankara "qui ressemble parfois à une forme de chantage".

En Grèce, où 850.000 personnes sont entrées par la Turquie l'an dernier, l'actrice américaine Angelina Jolie a rencontré jeudi des réfugiés syriens sur l'île de Lesbos, où se trouvent actuellement quelque 4.800 migrants.

Toujours en Grèce, l'artiste chinois Ai Weiwei s'est fait symboliquement couper les cheveux par un Syrien à Idomeni, pour attirer l'attention sur les conditions précaires dans un camp situé à la frontière macédonienne.

Au moins 10.500 personnes continuent à y espérer une très hypothétique réouverture de la frontière avec la Macédoine, pour poursuivre leur route vers le nord de l'Europe.

La fermeture de la Route des Balkans fait aussi craindre l'ouverture de routes alternatives. Quatre Grecs et deux Irakiens, membres présumés d'un réseau de passeurs, ont été arrêtés en Grèce au moment où ils s'apprêtaient à faire passer en avion en Italie des migrants irakiens, a annoncé jeudi la police grecque.