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Ce que les archives britanniques déclassifiées livrent de SAJ

14 mars 2016, 21:30

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Ce que les archives britanniques déclassifiées livrent de SAJ

«Chaque homme politique a une double face. Ils disent qu’ils font ci ou ça et puis les documents prouvent le contraire», dit Narainduth Sookhoo. Serait-ce la raison pour laquelle il dépoussière les archives britanniques ? «J’écris l’histoire. C’est un travail assez dur», réplique-t-il.D’ailleurs, il confie que «c’est plus facile» pour lui «d’écrire l’histoire de Maurice en étant basé à Londres». Car c’est en Angleterre que se trouve une mine de documents officiels  concernant Maurice. Des documents qui lui ont permis d’en apprendre davantage sur le Premier ministre.

Ses récentes recherches portent sur des documents conservés aux archives britanniques qui remontent à 1982. «Les papiers datant d’après 1983 n’ont pas encore été déclassifiés», affirme le chercheur. Pourtant, la règle veut que les documents soient rendus publics après 30 ans. «Maurice n’est pas un pays aussi important que l’Inde ou d’autres pays qui ont joué un rôle très important. Et puis, c’est une question de personnel», dit-il.

Narainduth Sookhoo, qui se présente comme un «chercheur professionnel», est fier d’avoir pu consulter d’autres documents. «En tant qu’universitaire, j’ai eu le privilège d’avoir eu accès à d’autres sources du Foreign Commonwealth Office, du Prime Minister’s Office, du Defense Office, qui sont encore privées. Mais leur publication doit rester purement dans le cadre académique.»

Parmi les documents consultés figure une lettre de Bhinod Bacha, alors Permanent Secretary au bureau du Premier ministre, datée du 22 novembre 1982 et adressée au haut-commissaire britannique Allan. Dans la lettre, qui avait pour objet «Mrs Shalini Devi Malhotra», on lit : «I am writing to confirm the request of Hon. Anerood Jugnauth, Prime Minister, that an appropriate entry certificate and an appropriate residence permit be granted to his daughter, Mrs Shalini Devi Malhotra and her husband Mr. Krishan Kumar Malhotra. The Prime Minister would be most grateful if his request could be favourably considered as he would wish his daughter and son-in-law not to have any problems of stay in the United Kingdom.» Étaient attachés à la lettre les passeports,certificat de mariage et actes de naissance du couple.

Le chercheur affirme avoir aussi eu accès au reste de la correspondance. «Allan écrit à ses supérieurs à Londres, le 24 novembre 1982. C’est Wenban Smith de l’East Africa Department du Foreign and Commonwealth Office (NdlR : FCO) qui lui répond : ‘We have today issued an entry certificate’ au couple.»

Pourquoi Narainduth Sookhoo cite-t-il cette lettre ? «Quelqu’un au FCO a écrit une note sur cette lettre, disant : ‘We spoke, you said you would take the necessary steps to inform the immigration authorities.’ C’est une ingérence des autorités britanniques pour faciliter l’accès.»

Il y a aussi des documents que le chercheur affirme n’avoir pas encore cités, «par respect pour mon pays d’adoption, l’Angleterre, j’ai la double nationalité». Il s’agit d’un télégramme du FCO daté du 25 novembre 1982 et adressé à Wenban Smith. Le document dit : «Please telegraph couple’s arrival flight details so that immigration service can be alerted to smooth their way. Grateful you repeat your telegram to duty Central Intelligence Office at Heathrow, specify terminal or Gatwick.»

 


Le parcours de Narainduth Sookhoo

Six mois à Maurice, six mois en Angleterre. C’est le rythme de Narainduth Sookhoo. «J’étais parmi les premiers à faire des études en relations internationales de 1969 à 1972, au University College de Londres. Pendant que j’étais étudiant, j’ai postulé pour un emploi au Foreign Office mais on m’a dit non parce que je n’avais pas le passeport britannique.» Chose que Narainduth Sookhoo a fini par avoir. «Finalement, j’ai fait une carrière d’universitaire», notamment à l’université d’Essex. Sa discipline : les sciences politiques. Narainduth Sookhoo a aussi été conseiller en éducation d’Anerood Jugnauth de 1987 à 1989.


 

Ces titres qui résistent

«SSR est devenu ‘Privy Councillor’ sans l’avoir demandé», explique le chercheur Narainduth Sookhoo. En 1982,Maurice, par le biais de son haut-commissaire, demande si c’est possible d’avoir encore un «Privy Councillor». «The creation of another ‘Privy Councillor’ would be more in keeping with the multiracial character of the island.» Dans un dossier du Commonwealth Coordination Department, les Anglais commentent la demande de la sorte : «This would be an election manoeuvre of Ramgoolam. Perhaps Duval, recently knighted, wants to be a ‘Privy Councillor’.»

Finalement, les Britanniques rejetteront la demande. Et Maurice n’a jamais eu de second ‘Privy Councillor’. «Mais après le décès de SSR, c’est Anerood Jugnauth, en sa capacité de Premier ministre, qui est devenu ‘Privy Councillor’. C’est pour cela que vous vous adressez à lui comme ‘Right Honourable’.» Quand Maurice accède au statut de République, là, cela ne tient plus. «You can’t be the advisor of the queen when you have your head of state.» Mais le titre est resté, pour Anerood Jugnauth, uniquement parce qu’il avait été «Her Majesty’s Prime Minister».