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Accidents: les chiffres ne mentent pas

13 mars 2016, 22:00

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Accidents: les chiffres ne mentent pas

Il y a la théorie et puis les faits. Et, pendant que les débats s’éternisent, les chiffres, eux, en disent long sur cette tueuse en série qu’est la route. L’on constate ainsi qu’en 25 ans, presque 4 000 personnes ont été tuées dans des accidents. Que certaines années ont été plus meurtrières que d’autres. Et que 2016 ne devrait pas être en reste…

Moyenne de fatalités record pour 2016

En 25 ans, la route a tué 3 838 personnes. C’est comme si elle avait tué tous les passagers de 64 autobus de 60 places chacun. 1995 a été l’année la plus meurtrière avec 173 décès, soit un mort tous les deux jours. Avec 34 morts au 73e jour de l’année 2016, on est exactement sur la même moyenne, donc bien parti pour égaler ce triste record.

Le nombre de blessés graves multiplié par cinq

Le drame routier, ce n’est pas que les morts. Ce sont aussi les blessés graves, ceux qui se retrouvent amputés, alités, ou handicapés, alors que ceux qui s’en remettent physiquement porteront toujours les séquelles psychologiques. De 105 en 1993, le nombre de blessés graves est passé à 505 en 2014. Les motocyclistes ont, de toujours, été les plus touchés et la tendance va crescendo. Ils représentaient 26 % des blessés graves en 1990 et en 2014, 4 blessés graves sur 10 étaient des motocyclistes. Aussi déroutant que cela puisse paraître, les chauffeurs n’arrivent qu’en 3e position derrière les motocyclistes et les piétons.

Cause principale des accidents : la distance entre les véhicules

Sur les 3 044 accidents mineurs – de janvier à septembre 2015 – que nous avons analysés avec la compagnie d’assurance GFA, 34 % sont des cas classiques de «tap par deryer». Visiblement, le conducteur mauricien a du mal à comprendre que la distance entre son véhicule et celui qui le précède est vitale. La deuxième cause d’accidents c’est le non-respect du «stop» au moment de déboucher sur une route principale ou à la sortie d’un parking. En 3e position : la marche arrière.

Les femmes provoquent moins d’accidents

Accusées par les machos d’être timides, les femmes sont en fait prudentes. Elles ne provoquent que 5 % des accidents. Neuf fois sur 10, ce sont les hommes qui les provoquent. Mais ce constat est mitigé par le fait que la majorité des conducteurs sont de sexe masculin. Donc statistiquement, c’est «normal» qu’ils provoquent plus d’accidents.

Ceux qui ont le sang chaud

Les 15 à 24 ans provoquent à eux seuls 11 % des accidents. Mais ce n’est pas la tranche d’âge la moins prudente. Les 25 à 44 ans en provoquent le double. Les plus prudents sont âgés entre 55 et 60 ans.

Catégories de chauffeurs impliqués dans un accident de janvier à octobre 2015

Hommes : 94,7 % 

Femmes : 5,3 %

Jeunes de 15 à 24 ans impliqués

Hommes : 0,6 %

Femmes : 10,3 %

Source : GFA Insurance

Accidents : 10 PISTES POUR LES FREINER

Éducation, sensibilisation, répression, permis à points, speed cameras, entre autres. Policiers, autorités et ONG ont beau essayer de stopper les accidents, leur nombre ne cesse de grimper. Que faire pour freiner ce fléau ? Ne faudrait-il pas passer à la vitesse supérieure ? Comment ? Quelques éléments de réponse apportés par les experts en la matière : l’inspecteur Rama de la Traffic Branch, Barlen Munusami, auteur de plusieurs ouvrages sur la sécurité routière, Manoj Rajkoomar, secrétaire de l’Association des moniteurs d’auto-écoles et Google, pour voir ce qu’ils font dans d’autres pays.

1. Calmer les ardeurs : les fous du volant sont nombreux. Pour les calmer eux, ainsi que leurs bolides tunés, pour en boucher un coin à leurs pots d’échappement modifiés, les experts proposent de revoir les limitations de vitesse et une meilleure harmonisation sur tout le réseau routier. D’ailleurs, souligne l’inspecteur Rama de la Traffic Branch, une «Calming campaign» initiée par la police fait actuellement son petit bout de chemin. Le nombre de check points à travers le pays a augmenté, quitte à ce que le public fasse une «overdose» de policiers ! Le but : dissuader ceux qui confondent routes et circuits de rallye de passer la cinquième.

2. L’alcoomètre : Utile pour les fêtards qui veulent mesurer la teneur en alcool de leur verre. Un appareil qui est en vente «à pas cher» dans les pharmacies du pays, souligne l’Inspecteur Rama. Pour rappel, un conducteur n’est pas autorisé à avoir plus de 50 mg d’alcool par litre de sang. À ce titre, le petit tableau qui suit pourrait vous être utile :

  • 1 litre de bière : 5 % volume, 40 g d’alcool
  • 1 bière de 25 cl : 7 % volume, 13 g d’alcool
  • 1 bouteille de vin de 75 cl : 10 % volume, 60 g d’alcool
  • 1 verre de vin de 10 cl (100 ml) : 10 % volume, 8 g d’alcool
  • 1 verre de vin de 10 cl : 12 % volume, 9,6 g d’alcool
  • 40 ml d’eau-de-vie : 45 % volume, 14,4 g d’alcool
  • 1 verre de 40 ml de whisky : 44 % volume, 13,2 g d’alcool
  • 1 coupe de champagne : 10 % volume, 8 g d’alcool

Par ailleurs, d’autres pays envisagent d’adopter (ou l’on déjà fait) des mesures radicales comme obliger tout automobiliste à avoir un éthylotest antidémarrage dans son véhicule. En France, par exemple, il ne peut être monté que par un installateur validé par les organismes d’État. L’installation prend moins d’une demi-journée et une formation à l’utilisation est assurée par l’installateur. Pourrait-on faire pareil chez nous ? En attendant, le plus sûr, c’est d’avoir recours à un Bob ou d’éviter la bouteille comme la peste quand l’on conduit. Autre «bricole» qui pourrait être utile à la mécanique : le régulateur de vitesse intégré.

3. Moto-écoles : Elles sont en route, si l’on en croit l’inspecteur Rama. Leur arrivée a été annoncée par le ministère des Infrastructures publiques et les moto-écoles devraient voir le jour en 2017, alors que de nouvelles mesures concernant les motocyclistes entreront en vigueur le 1er juillet. Elles ont trait à l’obtention du permis et l’importation de motos (http://www.lexpress.mu/article/274257/motos-plus-49-ccpas-autorisees-aux-ados-15ans). Pour cause, le pays compte environ 200 000 motocyclistes et quelque 7 000 demandes de permis pour les deux roues sont reçues chaque année. Et, après les piétons, ce sont les motocyclistes qui, malgré leurs gilets fluorescents, sont les plus vulnérables. Ainsi, en 2012, 77 motocyclistes ont été impliqués dans des accidents de la route, en 2013 : 54, en 2014 : 65 et en 2015 : 51.

4. Sensibilisation accrue des piétons : Ils sont impliqués dans plus d’un tiers des accidents. Et si à un moment, les autorités envisageaient de leur empêcher d’utiliser leur portable, l’arme la plus efficace et la plus crédible pour éviter l’hécatombe chez les piétons demeure la sensibilisation, lâche Barlen Munusami, spécialiste en matière de sécurité routière et auteur de plusieurs ouvrages traitant du sujet. Ailleurs, dans certains pays européens, l’on a interdit le stationnement des véhicules (à l’exception des deux-roues) cinq mètres avant les passages piétons pour améliorer la visibilité entre ces derniers et les conducteurs. À Maurice, pour dénoncer ceux qui se garent n’importe où, il faut appeler la hotline en composant le 148, renchérit l’inspecteur Rama.

5. Revoir le réseau routier : Le parc automobile ne cesse de s’agrandir. Selon Statistics Mauritius, à février, 488 149 véhicules sillonnaient les routes du pays. Mais, comme le souligne Barlen Munusami, le réseau routier, lui, est dans le coaltar. Résultat des courses automobiles : le stress lié à la conduite grimpe en flèche. Pour lui, il «faudrait revoir le système». Les Rs 90 milliards qui doivent être injectées dans divers projets, dont la décongestion routière, comme l’a annoncé le Premier ministre cette semaine, feront-elles bouger les choses ? Il faudra attendre plusieurs années pour voir.

6. Sanctions plus sévères : Pour Manoj Rajkoomar, secrétaire de l’Association des moniteurs d’auto-écoles, il faut des lois plus sévères pour expédier les disciples de Lewis Hamilton au garage. Aussi, au lieu de les laisser passer à la caisse tranquillement après une contravention, il faut les forcer à se présenter en cour, à s’expliquer et à «dir pardon misié, pa pou refer sa ankor». Cela leur fera perdre une journée, et ils y penseront peut-être à deux fois avant de recommencer.

7. Formation, encore et toujours de la formation : C’est un fait indéniable. Un usager de la route responsable est un usager qui a reçu une bonne formation. Pour encourager tout un chacun à se comporter en adulte responsable, il faudrait peut-être proposer des «récompenses» aux bons élèves et envisager des «punitions» pour ceux qui transgressent les règles, affirme Manoj Rajkoomar. «Kapav propoz enn prim lor lasirans pou bann bon kondikter é fer bann mové sofer pey doub.»

8. Des moniteurs plus professionnels : Pour avoir de bons élèves, il faut de bons profs, souligne Manoj Rajkoomar. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas aujourd’hui, ajoute ce dernier. «Pour devenir moniteur d’auto-école, il suffit de passer les mêmes tests que ceux qui passent leur permis, mais à un niveau plus avancé.» Une source au ministère des Infrastructures publiques confie toutefois que les choses devraient bientôt bouger. «Les moniteurs d’auto-écoles devront avoir 800 heures de conduite avant de pouvoir exercer ce métier. Ceux qui le font déjà devront suivre des cours de remise à niveau…»

9. Creuser autre chose que des tombes : Nombreux sont les pays qui optent pour des enquêtes systématiques, approfondies, poussées, après un accident. Cela permet aux autorités d’en identifier les causes, de les disséquer et de proposer, après des consultations avec tous ceux qui sont impliqués dans la sécurité routière, des solutions pour éviter que cela ne se reproduise.

10. Conduite défensive : Enfin, pour que l’on arrête de voir des accidents à la Une des journaux tous les jours, la priorité demeure la prudence. Car, si certains font attention juste après avoir obtenu leur permis, au fil des années, les automobilistes baissent la garde. «La conduite devient trop automatique. Si quelqu’un effectue le trajet Port- Louis–Curepipe tous les jours pendant 10 ans, il se dit qu’il peut limite le faire les yeux fermés.» Sauf que, la route étant ce qu’elle est, le danger est à tous les coins de rue, rappelle Barlen Munusami. Et de conclure : «Il faut toujours faire attention, être vigilant, anticiper les réactions des autres usagers de la route. On ne sait jamais d’où peut venir le malheur.»