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Licenciements: le coeur n’est pas à la fête

29 novembre 2015, 19:45

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Licenciements: le coeur n’est pas à la fête

A Port-Louis, dans d’autres villes et villages, les rues grouillent de monde. Décembre frappe aux portes, les fêtes aussi. Dans les faubourgs de Baie-du-Tombeau, à Cité Florida plus exactement, chez les Conhyea, l’atmosphère est différente.

 

Mais attention. Ce n’est pas parce qu’elle a perdu son emploi il y a quelques jours que le sourire de Kathleen s’est envolé. C’est que la dame est de nature optimiste. «Mo koné mo pou trouv enn simé», lâche-t-elle sur un ton enjoué. La réalité et les difficultés à venir ont toutefois vite fait de la rattraper. «Mo bolom ek mwa nou ena preske Rs 15 000 loan! Li fer sofer taxi, konkirans ek bann taxi marron bel. Mo ti pe back li kan bizin...»

 

Le vendredi 13 novembre, ils ont reçu un coup de massue. La construction de la maison, qui prenait forme petit à petit, parpaing après parpaing, devra être stoppée. Et pour l’ancienne comptable, qui avait deux années de service au sein de Global Direct Food and Beverages Ltd, sise à Terre-Rouge, il faudra plus que jamais se serrer la ceinture, histoire de ne pas se retrouver avec un frigo «famélique» dans quelques jours.

 

«Bann direkter pou korek, mé nou, ti dimounn ?»

 

Ce n’est pas ça qui empêchera Kathleen de recevoir dignement ses «invités». Dans son petit salon sans prétention, des fleurs rappellent les beaux jours, il n’y a pas si longtemps, où toute la famille avait des projets plein la tête. Sur une table, un ordinateur. En guise de fond d’écran: une photo de la quinquagénaire et de sa fille, Bethany, âgée de 12 ans.

 

«Monn avoy li kot mo belser. Laba li kapav zoué, pa pran traka.» Le Père Noël ne pourra pas se montrer très généreux cette année. De toute façon,«mo tifi konpran. Kan éna kass, si li démann mwa enn zafer, li koné mo pou donn li. Mé kan péna...» Il s’agit, voyez- vous, d’une question d’éducation, précise Kathleen. «Mes parents m’ont toujours appris qu’il fallait se contenter de ce que l’on a mais toujours aspirer à mieux, à progresser!»

 

 

Une philosophie qui lui permet de ne pas sombrer, de garder son âme de battante, pour faire valoir ses droits. «La compagnie pour laquelle je travaillais embouteillait des spiritueux. Je sais que la situation économique est difficile, nous avions des problèmes au ni- veau des finances, mais...» Ce qu’elle leur reproche, en fait, c’est de ne pas avoir «tout fait pour remettre la boîte à flots». Résultat des courses: une dizaine d’employés se retrouvent sur le pavé. «Bann direkter pou korek, mé nou, ti dimounn ?»

 

Une grimace. De la tristesse dans le regard. De l’inquiétude aussi. Avant que la détermination ne refasse surface. «Mo pou kan mem gagn bonis, pou rambours nou nou bann lokal ek mo pou gagn lapay mwa novam. Nou pou bizin trouv enn solisyon apré.» Elle a aussi adhéré au Workfare Programme, qui stipule qu’elle pourra, sous certaines conditions, toucher 90% de sa paye pendant trois mois, puis 60% et 30%, le tout étalé sur une période d’un an.

 

Un laps de temps suffisant pour que Kathleen rebondisse. Qu’elle retrouve du travail. Et qu’elle retrouve vraiment sa joie de vivre.

 

Faisal Ally Beegun : «Ena ankor plis dimounn ki pou perdi travay»

 

«Le pays compte déjà plus de 50 000 chômeurs», rappelle le syndicaliste Faisal Ally Beegun. Et la situation ne devrait guère s’améliorer puisque «pou éna ankor plis dimounn ki pou perdi travay», selon lui.

 

Faisal Ally Beegun affirme qu’il y a eu plus de licenciements que d’emplois créés au cours de l’année 2015. À ce train-là, déplore-t-il, le pays comptera quelque 80 000 chômeurs. «Gouvernman péna okenn vision konkré pou kréasyon lanplwa. Si li pa pé kapav kré bann nouvo post, bé o mwin li bizin fer tou pou sovgard bann anplwa existan!»

 

 

Casinos : la roulette russe

 

Ils se demandent à quel jeu peut bien jouer le gouvernement. L’enjeu de cette partie de poker? Leur job. Du côté des Casinos de Maurice, ce sont plusieurs dizaines d’employés qui risquent de devoir prendre la porte de sortie.

 

Sur la liste de ceux qui pourraient être renvoyés figurent 95 noms. Et le hic, c’est que la majorité de ces personnes a moins de 40 ans. «À cet âge, nous avons tous des prêts bancaires, des enfants qui étudient et d’autres dettes. Nous n’allons pas nous en sortir sans emploi», fait valoir cet habitant de Vacoas, qui compte plus de 10 années de service au sein des Casinos de Maurice.

 

 

«Ma femme me dit de ne pas m’en faire, que nous trouverons la solution. Mais je pense à mes deux enfants. Comment vais-je faire pour subvenir à leurs besoins ? Ils ne sont pas en âge de passer par ce stress...»

 

En ce qui concerne les fêtes de fin d’année, il préfère ne pas en parler, explique-t-il d’une voix brisée. Il a déjà commencé à réduire les dépenses, ne sachant pas de quoi demain sera fait. «À cause de l’incompétence du management, plusieurs familles seront privées de la magie de Noël.»

 

Et aux miracles, il n’y croit pas trop...

 

MSC : le bateau tangue

 

 

Se retrouveront-ils en galère ? C’est la question que se posent la trentaine d’employés de la Mauritius Shipping Corporation (MSC), qui pourraient être renvoyés la semaine prochaine. Car, même si la direction a, semble-t-il, changé de discours, ils ont toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

 

Comme Cynthia Ferré, partagée entre la peur et l’amertume. «Les fêtes? Quelles fêtes? Ma famille et moi n’avons pas la tête à ça. Mon nom est traîné dans la boue et je ne sais pas si je vais perdre mon travail.» Il faut savoir que, parmi les raisons évoquées pour l’éventuel licenciement des employés, figure le fait qu’ils sont «surpayés» et «pas assez qualifiés», selon les dires de Jawaharlall Lallchand, le Chairman de la MSC.

 

«J’aimerais bien savoir pourquoi je figure sur cette liste. Cela fait 16 ans que je travaille à la MSC et personne ne m’a jamais rien reproché !» lâche Cynthia, dépitée. D’autant que, sans prévenir, la direction a affiché son nom en public. «Ils auraient pu nous épargner cela et nous parler individuellement. Mais il a fallu que cela soit fait en public. Je n’ai jamais subi une telle humiliation. Ce n’est pas une manière de faire !»

 

Contrairement à ce que raconte la direction, poursuit-elle, elle est tout sauf une nominée politique qui a été placée à un poste pour lequel elle est inapte. Son emploi, elle l’a obtenu après une interview du board de la MSC, souligne-t-elle. «J’ai toutes les compétences requises !»

 

Le pire, confie Cynthia, c’est que ses enfants doivent également subir cette humiliation...

 

Ils ont été remerciés...

 

Difficultés financières, restructuration, proximité avec des politiciens d’un «autre bord». La liste des raisons évoquées pour les licenciements est tout aussi longue que le nombre de personnes qui ont été renvoyées. Zoom sur quelques cas.

 

En février, du côté du Port-Louis Waterfront, une vingtaine de «cleaners» recrutés par la State Property Development Company Ltd ont dû plier bagage. La plupart d’entre eux avaient été employés en octobre, à deux mois des élections générales.

 

En juin, dans le cadre d’une «restructuration», des employés de la Sugar Investment Trust ont été renvoyés. Une décision qui résulterait d’une «vendetta politique», selon eux. La raison évoquée sur leur feuille de route: la compagnie fait face à de gros problèmes économiques ayant conduit à la réduction du personnel.

 

En septembre, une quinzaine d’employés des Salines, à Rivière-Noire, ont rangé leurs bottes, bien malgré eux. Raison évoquée par la direction : des difficultés financières.