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Hausse «inévitable» des prix des médicaments ?

15 novembre 2015, 10:00

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Hausse «inévitable» des prix des médicaments ?

La polémique enfle dans le milieu pharmaceutique depuis que le ministère a fat savoir qu'il projette d’appliquer des frais pour l’importation des médicaments et pour le renouvellement annuel d’une licence pour pouvoir en faire venir.

 

«Nous assistons au démantèlement du Welfare State !» Siddique Khodabocus, secrétaire de la Small and Medium Pharmaceutical Importers Association, n’y va pas par quatre chemins. Avec l’éventuelle introduction de frais pour l’enregistrement des médicaments, ainsi que d’un montant pour le renouvellement annuel d’un permis d’importation des produits spécifiques (voir ci-dessous), «il est clair que les prix augmenteront ». Et martèle-t-il, «au final, ce sont les consommateurs qui seront les perdants».

 

Avec ces nouvelles mesures, le ministère de la Santé veut mieux contrôler le marché pharmaceutique. Une réunion a eu lieu la semaine dernière au ministère avec toutes les parties prenantes pour des consultations.

 

Sauf que, depuis, la polémique enfle, tant parmi les propriétaires de pharmacies du privé que les importateurs de médicaments. «Si elle est appliquée, cette mesure tuera les petits importateurs. Nous n’aurons pas les moyens de payer autant de frais», fait ressortir Siddique Khodabocus.

 

«L’importation parallèle ne pourra plus avoir lieu»

 

Au niveau des pharmacies du privé, on laisse entendre que l’importation parallèle ne pourra plus avoir lieu, étant donné que seule la compagnie enregistrée pourrait importer le médicament. Un monopole a plus de chances d’être créé, avec des importateurs imposant le prix qu’ils jugent nécessaire, même si celui-ci est élevé.

 

Dans les milieux concernés, cependant, on tente de calmer le jeu. En avançant, notamment, qu’il est urgent de contrôler l’importation parallèle des médicaments car des abus ont été notés. Ce serait d’ailleurs la raison principale derrière cette mesure.

 

D’expliquer, toutefois, que la situation actuelle n’est pas propice à l’introduction de ce nouveau système. Raison : le Pharmacy Board est dépassé. «Il faut avant tout présenter un projet de loi qui permettrait de créer une nouvelle autorité», fait-on valoir.

 

L’express a sollicité le ministère de la Santé ainsi que les responsables du département pharmacie pour plus de précisions. Nos requêtes sont restées sans réponses.

 

Les mesures en question

 

Actuellement, pour pouvoir importer un médicament, il faut que celui-ci soit enregistré auprès du Pharmacy Board. Cet organisme s’assure que les composants du produit en question sont aux normes, entre autres, avant de donner son aval. Ce processus ne requiert pas de frais. 

 

Si le projet du ministère de la Santé se concrétise, des frais d’enregistrement seront imposés pour chaque médicament. Selon nos informations, au départ le montant proposé pour enregistrer un médicament était de Rs 33 000. Ce montant a par la suite été revu à la baisse, soit à Rs 10 000.

 

Payer Rs 10 000 pour chaque médicament importé

 

Comment fonctionnerait ce nouveau système ? Rs 10 000 devront être versées pour chaque produit enregistré. C’est-à-dire, l’importateur devra payer Rs 10 000 au ministère de la Santé pour chaque médicament qu’il souhaite importer. Par exemple, s’il veut importer 50 différents médicaments, c’est Rs 500 000 qu’il devra payer à l’État. 

 

C’est pour cette raison que les petits importateurs, de même que les propriétaires de pharmacies qui font venir des médicaments, s’indignent. Le renouvellement annuel de la licence d’importation devrait coûter Rs 4 000. Du reste, les propriétaires de pharmacies du privé et les importateurs estiment que le projet du ministère n’est pas assez explicite.

 

Stockage «inadéquat» : comment en est-on arrivé là

 

«Vision d’horreur.» C’est ainsi qu’est qualifié le stockage de médicaments au bâtiment Sunray, à Coromandel, dans les milieux concernés. Il a été dénoncé à la fois par le Public Accounts Committee, qui a rendu public son rapport il y a plusieurs semaines, et dans les derniers rapports de l’Audit, dont celui qui a été publié en début d’année. Le gaspillage des médicaments et le piteux état des infrastructures sont quelques-unes des lacunes décriées. Comment en est-on arrivé à cette situation ?

 

Le système de stockage est «totalement dépassé», déplore-t-on dans les milieux concernés. Outre le stockage physique, le système de gestion est «archaïque». À titre d’exemple, les médicaments ne sont pas comptabilisés et il n’existe aucune banque de données informatique centralisée. «Ce serait plus simple si l’on pouvait savoir combien de médicaments nous avons exactement en stock pour chaque hôpital. Cela éviterait des pénuries», explique un médecin.

 

Les officiers n'ont pas les compétences requises pour gérer le magasinage des médicaments

 

Ces situations sont occasionnées par un manque de contrôle, d’où une remise en question des ressources humaines. L’on avance que des professionnels de la santé ne sont pas souvent présents dans l’entrepôt. Celui-ci est le plus souvent géré par des employés d’autres ministères, tels que les Finances. «Ces officiers n’ont pas les compétences requises pour gérer le magasinage des médicaments», fait-on valoir.

 

Outre le bâtiment Sunray, une partie des médicaments est stockée au Tobacco Board et le reste, soit 90 %, à la Central Supplies Division à Plaine-Lauzun, dont les locaux appartiennent à l’État. Pendant longtemps, l’État a acheté presque la totalité des médicaments destinés aux hôpitaux à un seul fabricant local, la Mauritius Pharmaceutical Manufacturing Co. Ltd. La Central Supplies Division pouvait alors accueillir tout le stock car le fabricant approvisionnait l’État à la date et selon le montant requis.

 

La situation s’est corsée à la fin des années 90

 

C’est lorsque le ministère de la Santé a décidé de lancer des appels d’offres internationaux à la fin des années 90 que la situation s’est corsée. Ce même entrepôt a dû accommoder des stocks de médicaments qui devaient durer plusieurs années, donc la quantité avait grandement augmenté.

 

En 2010, décision est prise de n’acheter que des médicaments sous blister, c’est-à-dire des emballages constitués d’une coque en plastique. «Ce type d’emballage prend plus de place que les comprimés achetés en vrac ou en contenants hospitaliers. Le volume de stockage avait encore augmenté», fait-on ressortir.

 

En début d’année, le ministre de la Santé Anil Gayan a annoncé la création d’un entrepôt moderne. Le ministère cherche un terrain «bien situé» à cet effet mais les fonds n’ont pas encore été décaissés. Dans les milieux concernés, l’on se demande si la meilleure solution ne serait pas de sous-traiter le stockage des médicaments. «C’est le cas dans de nombreux pays d’Afrique