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Recettes touristiques: où sont passées les Rs 2,5 Mds ?

11 novembre 2015, 19:30

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Recettes touristiques: où sont passées les Rs 2,5 Mds ?

La déclaration, lundi 9 novembre, du gouverneur de la Banque de Maurice (BoM), Ramesh Basant Roi, risque de faire couler beaucoup d’encre. Elle porte notamment sur la sous-évaluation des recettes touristiques, de janvier à juin 2015. Montant de cette sous-estimation: Rs 2,5 milliards. Une somme qu’il convient de doubler, pour les 12 mois se terminant au 31 décembre 2015, si l’on en croit les prévisions de la Banque centrale.

 

Dans les faits, le montant engrangé par les activités touristiques devrait tourner autour de Rs 49,5 milliards. Or, le chiffre estimé est de Rs 44,5 milliards. Comment en arrive-t-on à une telle situation ? Ramesh Basant Roi ne souhaite pas chercher des boucs-émissaires ou pointer un doigt accusateur en direction des services responsables de la compilation des statistiques (la BoM, Statistics Mauritius ou encore les Foreign Exchange Dealers).

 

Pour l’heure, le gouverneur de la BoM se contente de dresser un constat et d’attirer l’attention sur cet état de choses, d’autant plus qu’il a eu un impact non négligeable sur certains indicateurs économiques.

 

Ce que dépense un touriste ne passe pas nécessairement par le circuit bancaire.

 

Du reste, il a avoué lundi qu’il s’est toujours interrogé sur le déficit élevé du compte courant par rapport au produit intérieur brut (PIB). «Je me suis demandé pourquoi, ces dernières années, ce déficit représente 8% à 9% du PIB alors que le taux conventionnellement acceptable est de 3%.» Et quid de son effet sur la croissance ?

 

Interrogé, Gilbert Espitalier-Noël, Chief Executive Officer (CEO) du groupe New Mauritius Hotels (NMH), propriétaire des hôtels Beachcomber Ltd, note qu’au niveau de son groupe, il y a aujourd’hui une augmentation des arrivées touristiques ainsi que des dépenses effectuées par la clientèle des hôtels.

 

Selon lui, on note une évolution similaire dans d’autres groupes hôteliers. Toutefois, il croit savoir que «bon nombre de dépenses effectuées hors du circuit des grands groupes hôteliers ne figurent pas dans les statistiques officielles». C’est cela le vrai problème, selon lui.

 

Le CEO de l’Association des hôteliers et des restaurateurs de Maurice (AHRIM), Jocelyn Kwok, abonde dans le même sens. Il rappelle que la Banque centrale avait elle-même reconnu il y a quelque temps que les chiffres des revenus (tels que collectés auprès des différentes banques et consolidés) ne reflétaient pas les dépenses encourues par les touristes.

 

Explication : ce que dépense un touriste – soit les revenus des opérateurs touristiques ou des commerces – ne passe pas nécessairement par le circuit bancaire. Donc, ce montant ne peut être identifié, au niveau des banques, comme des revenus touristiques.

 

Jocelyn Kwok énumère par ailleurs une série de facteurs qui ont accentué ce phénomène : la hausse des transactions réglées en espèces, par exemple en devises, l’arrivée de comptoirs de change hors banque ainsi que le nombre grandissant de petits opérateurs dans le secteur touristique (hébergement, restauration, excursions et shopping).

 

Pour ces raisons, il estime que le chiffre évoqué par le gouverneur de la Banque centrale n’est pas loin de la réalité. «Les enquêtes quantitatives menées par Statistics Mauritius auprès d’échantillons de touristes au moment de leur départ à l’aéroport devraient confirmer cet ajustement proposé.»

 

100 000 arrivées de plus

 

Il est rejoint dans son analyse par un hôtelier, qui a requis l’anonymat et qui fait remarquer qu’aujourd’hui, les comportements des touristes changent en ce qui concerne la manière de dépenser, alors que la méthode de comptabiliser ces dépenses n’a, elle, pas changé. Est-ce qu’on prend en compte les dépenses du touriste effectuées, par exemple à Bagatelle, ou encore dans un bungalow du littoral nord. Et si ce bungalow n’était pas enregistré auprès des autorités compétentes ?

 

Face aux questionnements du gouverneur de la BoM, il y en a un, toutefois, qui ne peut s’empêcher d’afficher sa satisfaction. Il s’agit du ministre du Tourisme, Xavier-Luc Duval. «Nous avons toujours soutenu qu’il y avait un problème au niveau de la comptabilisation de ces recettes. À la lumière d’une analyse des bilans des hôteliers, des tours opérateurs et d’autres entreprises du tourisme sur l’année, il s’avérait impossible qu’il puisse y avoir une baisse dans les revenus de l’industrie touristique en 2015. Aujourd’hui, la BoM vient donc donner raison à cette analyse.»

 

Il ajoute qu’avec la hausse prévue dans le nombre d’arrivées (100 000 visiteurs supplémentaires sont attendus en 2015), cela ne peut qu’être de bon augure pour l’industrie touristique et pour l’économie mauricienne en général.

 

Quoi qu’il en soit, la démarche de la BoM devrait contribuer à apporter quelques éclaircissements sur une problématique qui ne cesse de faire des vagues.