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Taux directeur: le statu quo souhaité

1 novembre 2015, 09:19

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Taux directeur: le statu quo souhaité

Doit-on s’attendre à des rebondissements à l’issue de la 38e réunion du Monetary Policy Committee (MPC) prévue le lundi 9 novembre? La question est pertinente au vu de la conjoncture économique avec une croissance révisée à la baisse pour 2015. Spécialistes et opérateurs privilégient, eux, le statu quo. C’est-à-dire, le maintien du taux directeur à 4,65%.

 

«Les membres du MPC n’ont pas une grande marge de manoeuvre face à un taux d’inflation qui ne représente pas un risque réel pour la stabilité des prix. Et ce, alors même que le faible taux de croissance demeure une source d’inquiétude pour le gouvernement et les opérateurs économiques», soutient l’économiste Swadicq Nuthay. Face à cette situation, il pense que le MPC privilégiera une nouvelle fois le statu quo, voire une légère baisse du Key Repo Rate.

 

Jameel Kharadoo, ancien adjoint au gouverneur de la Banque de Maurice et ex-membre du MPC, plaide lui aussi pour le statu quo. Sa démarche est motivée par le fait que les principaux marchés de Maurice, soit ceux de l’Europe, subissent toujours les effets de la crise et sont en plein ralentissement économique.

 

«L’économie locale est fragile avec une croissance molle de 3,4% et 3,5%. Nos décideurs doivent rendre prioritaire la relance de la croissance, en dopant l’investissement et en encourageant les exportations», analyse Jameel Khadaroo, qui est chargé de cours en économétrie à l’université de Maurice (UoM).

 

De nouveaux instruments

 

Or, dans un tel contexte, augmenter le taux d’intérêt serait, dit-il, suicidaire, à la fois pour l’économie et les opérateurs. L’ex-membre du MPC récuse le fait que ce soit la baisse du taux d’intérêt, ou à défaut son maintien, qui ait été à l’origine du faible niveau d’épargne, comme le disent certains spécialistes. «Mes recherches à l’UoM ont démontré que la baisse des taux d’intérêt n’a eu que des effets limités sur le taux relativement bas de l’épargne. D’autres facteurs ont contribué à ce que le Savings Rate passe de 24% en 2004 à presque 12% actuellement.»

 

Raj Makoond, Chief Executive Officer (CEO) de Business Mauritius – né d’une fusion entre le Joint Economic Council et la Mauritius Employers' Federation – est aussi d’avis que le marché s’attend que le MPC maintienne le taux directeur, voire qu’il le baisse légèrement. D’autant plus, dit-il, que la croissance a été revue à la baisse à 3,5% en 2015, et que le taux d’inflation est largement contrôlable (moins de 1,5%).

 

Sous le couvert de l’anonymat, une CEO explique que la crise mondiale est encore fragile. Sans compter des défis internes au pays en termes de croissance et de création d’emplois. Du coup, souligne-t-elle, augmenter le taux d’intérêt dans une telle conjoncture alourdirait le niveau d’endettement des entreprises. Ce qui, selon elle, signerait l’arrêt de mort de celles qui sont financièrement au bout du rouleau.

 

Les fondamentaux économiques ne sont pas encore solides

 

Reste la question d’excès de liquidités, qui est une source d’inquiétude pour la Banque centrale et qui doit être prise en compte par le MPC. Pour Swadicq Nuthay, la problématique du taux d’intérêt doit être analysée parallèlement à d’autres paramètres économiques, comme l’excédent de liquidités – même si celui-ci, reconnaît l’économiste, est moins inquiétant qu’il ne l’était dans un passé récent, grâce à la mise en place de nouveaux instruments.

 

Dans la mesure où le taux directeur est maintenu, il faudra remonter à juin 2013. Soit, au moment où il avait été réduit de 25 points de base, passant de 4,90 % à 4,65 %. Quid d’une normalisation des taux d’intérêt par les banques centrales à l’étranger et éventuellement à Maurice ? Les économistes interrogés sont unanimes : la sortie progressive de la Réserve fédérale des États-Unis de sa politique d’assouplissement monétaire n’est pas pour demain. Ce qui devrait, disent-ils, permettre aux États-Unis de s’engager dans une normalisation de sa politique monétaire, du moins à court terme.

 

Processus qui, selon Renganaden Padayachy, économiste à la MCCI, pourrait être repoussé à 2016, au vu du «ralentissement de la croissance mondiale, qui implique moins de demandes pour l’économie américaine». Pour ce qui est de Maurice, les fondamentaux économiques ne sont pas encore solides. Du coup, il faudra repasser pour que cette politique de normalisation devienne une réalité.