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Projets controversés: économie vs environnement

11 novembre 2015, 18:34

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Projets controversés: économie vs environnement

D’un côté, les promoteurs qui ont en ligne de mire le développement économique et la création d’emplois. De l’autre, des écologistes, verts de rage, perçus comme les éternels contestataires, militant pour la faune et la flore. Qui a tort ? Qui a raison ? Décryptage

 

 

Le Chaland Resort à La Cambuse

 

 

Il coûtera Rs 2,7 milliards et le démarrage du chantier ne devrait plus tarder. Les promoteurs – le groupe Currimjee Jeewanjee – ont déjà obtenu le feu vert du ministère de l’Environnement ainsi que le permis de construction du conseil de district de Grand-Port. C’est  sur 33 arpents qu’ils comptent ériger un hôtel cinq-étoiles dans une région qui avait jusqu’ici conservé son  authenticité : La Cambuse.

 

Ce vaste projet hôtelier comprend non seulement une suite présidentielle mais aussi cinq suites de luxe, 133 chambres supérieures, 24 chambres doubles, une chambre spéciale pour des personnes souffrant de handicaps, 40 villas se trouvant dans la cour de l’hôtel et quatre autres chambres avec vue sur mer. Ambition immobilière qui se fera en partenariat avec Minor International Public Company Limited, un groupe étranger qui y contribuera à hauteur de Rs 310 millions.

 

Sauf que pour ce vaste chantier, les promoteurs devront se débarrasser d’une partie de la végétation qui se trouve sur la plage de La Cambuse. Ils prévoient néanmoins d’y replanter quelque 7 500 arbres une fois que le projet aura démarré. Sans compter que la construction implique la délocalisation du poste de commandement de la National Coast Guard, qui occupe  19 arpents du site. Une parcelle de terre qui, selon les écologistes, fait partie de ce que l’on appelle les Defence Lands. D’autre part, les promoteurs comptent créer 300 emplois directs et 600 emplois indirects entre le début de la construction et l’achèvement des travaux.

 

Le débat : ne pas s’enliser dans les dunes

 

Aret kokin Nu Laplaz. Le nom de la coalition de la société civile dit l’essentiel du combat qu’elle mène contre le projet de construction de l’hôtel cinq-étoiles à La Cambuse. Yan Hookoomsingh, porte-parole de la plateforme qui milite contre ce projet, déclare :  «Notre combat ne concerne pas qu’une plage. L’on s’élève aussi contre une politique d’aménagement côtier qui va à l’encontre du développement durable.» 

 

Premier point soulevé : la réduction de la superficie de la plage publique. Comment l’État a-t-il accepté de céder des terres classées Defence Lands, s’interrogent les contestataires. Selon eux, ce projet aura en outre un impact destructeur sur l’écosystème, au niveau des dunes, des marécages de Mare-aux-Songes et du parc marin de Blue-Bay, un site pourtant classé sur la liste mondiale de la Convention Ramsar. Les écologistes affirment d’ailleurs que 50% des coraux qui s’y trouvent sont morts, drame occasionné par les activités nautiques pratiquées dans cette zone. Ils font aussi valoir que les fertilisants et pesticides en provenance des jardins de l’hôtel pourraient trouver leur chemin jusqu’au parc marin. 

 

C’est en septembre de cette année que le conseil de district de Grand-Port a accordé son feu vert au groupe Currimjee Jeewanjee pour son projet Le Chaland Resort à La Cambuse. Pour justifier cette décision, Vinay Harcharan, président du conseil de district, estime que la région «gagnera en valeur» grâce aux développements qui y verront le jour.

 

Outre le projet hôtelier, les promoteurs prévoient aussi la construction d’une nouvelle route permettant d’accéder à la plage publique de La Cambuse. Celle-ci coûtera  Rs 70 millions. «Elle facilitera l’accès des Mauriciens à la plage et sera dotée d’un système d’éclairage, ce qui rendra cet endroit plus sûr pour le public», affirmait la direction de Currimjee Jeewanjee en juillet dernier. 

 

Quelle solution préconise Yan Hookoomsing ? «Nous demandons un changement urgent et complet du paradigme touristique, à savoir le développement de l’écotourisme chez l’habitant, et l’assurance que les revenus du tourisme iront directement dans les poches des villageois.» Ce qui renvoie plus largement au débat sur la saturation du parc hôtelier…

 

Centrale du CEB aux Grandes Salines

 

Six arpents de terre ont été repérés par le Central Electricity Board (CEB) pour la création d’une centrale à gaz naturel liquéfié, la Combined Cycle Gas Turbine, qui carburera au diesel léger dans un premier temps. Le CEB compte également y construire trois cuves qui serviront à stocker de l’huile lourde. Ce projet, initié par les autorités, a pour but d’éviter les risques de black-out qui pèsent sur le pays si, d’ici 2018, Maurice ne parvient pas à trouver d’autres sources d’énergie pour répondre à la demande croissante. Sauf qu’en ce moment, le projet se heurte aux contraintes écologiques. En effet, 40% du site désigné pour ce projet «s’enlisent» dans des marécages et le CEB devra respecter une zone tampon située autour. 

 

Pour le moment, dans une réponse à la Private Notice Question du leader de l’opposition, le ministre de l’Énergie, Ivan Collendaveloo, a fait ressortir qu’il n’y a pas encore eu de demande pour un permis EIA pour la construction de la centrale. Les autorités sont toujours à la recherche d’un consultant. En revanche, pour les cuves, le CEB a bel et bien obtenu ledit permis et le comité Ramsar, qui avait dans un premier temps émis des réserves, a finalement accordé son feu vert.

 

Le débat : le grain  de sel du délestage 

 

Dans une lettre adressée à la Senior Chief Executive du ministère de l’Énergie (NdlR, lettre déposée mardi à l’Assemblée nationale), le directeur général du CEB, Gérard Hébrard, explique l’importance nationale du projet. Toute annulation ou tout retard dans sa concrétisation pourrait avoir des conséquences graves sur la fourniture électrique à partir de 2018. Selon lui, la capacité actuelle de stockage d’huile lourde ne suffira pas pour opérer les nouveaux moteurs de Fort Victoria et ceux qui seront installés à la centrale de St-Louis d’ici 2017.

 

 Rappelons que les constructions envisagées par le CEB aux Grandes Salines sont un «projet de substitution», comme l’a récemment expliqué Gérard Hébrard, au projet lui aussi controversé de centrale à charbon CT Power. «La centrale des Grandes Salines produira aussi une puissance plus importante que CT Power», assurait récemment le directeur général du CEB. 

 

Les écologistes soulignent, eux, que ce site, sis à Bain-des-Dames, est une zone marécageuse qui s’ouvre sur la mer. L’asphaltage et le bétonnage de pareils sites peuvent entraîner une série de problèmes, soutient Prem Saddul, géologue. C’est vers les marécages que s’écoule l’eau après les grosses pluies. La couche d’argile imperméable en surface permet de retenir cette eau. Construire à cet endroit équivaut à en bloquer l’évacuation. Mais comme elle va malgré tout se frayer un chemin, cela occasionnera des risques d’inondations. De plus, les marécages sont, pour Prem Saddul, des filtres naturels qui retiennent notamment les fertilisants. Quant ils n’opèrent plus, les particules chimiques vont directement dans le lagon. «C’est alors qu’on assiste à la prolifération d’algues qui détruisent la faune et la flore marines. Les marécages sont des écosystèmes. Il suffit de nuire à un seul élément pour détruire tout le site.» 

 

Zaheer Allam, représentant de l’International Society of Biourbanism pour la région africaine, attire, lui, l’attention sur les déchets générés par la fabrication d’électricité. «Est-ce qu’il y a eu des études sur les effets de tels déchets sur un site marécageux»,  s’interroge-t-il. Et d’ajouter que «l’économie devrait passer après l’environnement dans ce cas de figure, où l’aspect écologique est proéminent». 

 

Sauf que la situation énergétique alarmante a déjà été confirmée dans un rapport de la Banque mondiale. En clair, le plan A du CEB – CT Power – a été abandonné. Le plan B – Grandes Salines – s’attire les foudres des écologistes. Quelle alternative reste-t-il au CEB ? «Le site alternatif serait l’intérieur du Fort George.» Un autre site pas exempt de récriminations. Les défenseurs du patrimoine ayant fait valoir sa valeur historique. «Nous allons entretenir et maintenir tous les aspects historiques», a récemment certifié le responsable. 

 

En attendant, le directeur du CEB peut-il donner l’assurance que le pays ne subira aucun délestage à partir de l’année prochaine? «Il n’y a aucune raison d’être alarmistes. Nous avons connu des situations pires dans le passé dans les années 1976-77, avec des délestages tous les jours. Nous n’allons pas revivre tout ça. Ce serait une trop grande catastrophe.» 

 

Smart City de Roches-Noires

 

C’est le groupe chinois YIHE qui devrait développer ce qui deviendra la smart city de Roches-Noires. Selon les indications fournies par le ministre des Finances, le projet se fera en trois phases. Il comprendra un hôtel, une zone commerciale et de loisirs, un Business Centre, un parcours de golf, une Club House, un Education Hub et des logements, entre autres. Coût total des investissements : Rs 44 milliards.

 

Toutefois, le site identifié pour ce projet comprend également des zones marécageuses. Et les autorités ont dès lors buté sur la levée de boucliers des  mouvements écologiques. En guise de riposte, le ministre des Finances avait fait ressortir que les promoteurs avaient obtenu leur permis de développement depuis 2012, mais que le document avait été «bloqué» pour deux raisons.

 

Selon lui, il y avait d’abord un contentieux légal puisqu’un ancien promoteur pensait avoir été écarté injustement du projet. L’autre raison serait liée au campement de l’ancien Premier ministre, qui se trouve non loin du site identifié pour le projet. En revanche, le ministre a également indiqué qu’il s’agissait d’amener le promoteur chinois à revoir ses plans, passant de son ancienne ambition de créer un IRS pour opter, à présent, pour une smart city. La différence étant, selon lui, que la smart city sera ouverte à tous, contrairement à l’IRS .

 

Le débat : développement smart ? 

 

Direction la circonscription no.7, celle du  Premier ministre et du ministre des Finances. On devrait y voir appraître un projet qui, selon le leader de l’opposition, Paul Bérenger, est un IRS datant de 2005 transformé en smart city. En avril de cette année, des habitants se sont mobilisés pour souligner que la région abrite une riche faune et flore. Une pétition contre le projet de smart city a été adressée au Premier ministre et divers autres ministres, dont ceux de l’Environnement et de l’Agro-industrie. Le site de la smart city se situe entre Roches-Noires et Bras-d’Eau. Outre son cachet naturel, le site comporte des caves, des terrains marécageux, un barachois  et sa mangrove. 

 

En réponse à la Private Notice Question en avril de cette année sur le projet de Roches-Noires, le ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo,  avait donné l’assurance que «[nous] allons prendre  soin de l’aspect environnemental de ce projet  en préservant les wetlands et le barachois  couvrant une centaine d’hectares. Il n’y aura pas de construction dans ces zones. Toutes les essences seront protégées».