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Didier Lenette,Head of Global Business, Groupe Rogers: «Le traité avec l’Inde n’est pas le ‘be-all and end-all’ de notre business»

27 juillet 2015, 07:46

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Didier Lenette,Head of Global Business, Groupe Rogers: «Le traité avec l’Inde n’est pas le ‘be-all and end-all’ de notre business»
 
Didier Lenette explique la démarche de Rogers visant à renouer avec l’offshore. Une démarche qui s’appuie à la fois sur l’Inde et sur l’Afrique pour assurer la pérennité de l’entreprise dans ce secteur.
 
Des changements majeurs seront apportés au traité fiscal entre Maurice et l’Inde si l’on en croit les informations qui circulent dans le milieu des «Management Companies». Les opérateurs du Global Business sont inquiets quant à l’avenir de ce secteur. Qu’est-ce que tout cela vous inspire ?
Il faut d’abord être prudents, car les changements, s’il y en a, ne sont pas encore confirmés, et encore moins détaillés. Dans un tel contexte, mes commentaires doivent donc être pris avec des réserves.
 
Ma première réaction est que cela démontre encore une fois, si besoin était, que le secteur des services financiers est très sensible à toute rumeur ou information et qu’il faut être prudent. Les autorités doivent aussi prendre le temps de communiquer, avec suffisamment de détails «in a timely manner» pour éviter toute ambiguïté ou incertitude. Plus que les changements eux-mêmes, l’incertitude est dévastatrice pour le secteur de l’investissement.
 
Si certains opérateurs sont aujourd’hui inquiets quant à leur avenir et celui du secteur, c’est qu’il y a possiblement matière à être inquiet et que l’agilité est primordiale pour trouver des solutions rapidement.
 
On évoque avec insistance l’élimination de la «Capital Gains Tax» dans le protocole d’accord signé entre les deux parties, la clause 13 du traité étant considérée, depuis le début des années 1990, comme la principale attraction de notre secteur offshore. Estce à dire que sa compétitivité souffrira de l’absence de cette clause ?
Je suis d’accord que la clause 13 du traité avec l’Inde est l’une des raisons principales de la réussite de notre secteur offshore. Donc, la possibilité de perdre cet avantage concurrentiel pourrait bien évidemment être préjudiciable dans une certaine mesure – pour certains opérateurs plus que d’autres.
 
D’après mes informations, le droit de taxer les gains sur la vente d’actions dans des sociétés indiennes sera vraisemblablement octroyé à l’Inde. Jusqu’ici, ce droit était réservé à Maurice, pays dans lequel l’actionnaire disposant des actions est résident pour les besoins fiscaux.
 
Je ne crois pas que Maurice sera nécessairement traité différemment sur cet aspect par rapport à d’autres pays, mais par contre, les investisseurs mettront un accent plus prononcé sur des critères autres que la Capital Gains Tax au moment de décider ou non de s’implanter à Maurice (facilité des affaires, possibilité de lever des fonds, maturité du secteur financier, accès aérien, etc.).
 
Compte tenu de ces changements, dont on ne connaît pas encore l’ampleur, faut-il faire une croix sur l’offshore qui s’appuie aujourd’hui sur l’axe Maurice-Inde ?
Pas du tout. Le secteur sera affecté, oui, mais une porte qui se ferme… Nous espérons toujours que les changements comporteront deux aspects – un aspect de «grandfathering», qui s’appliquera aux investissements existants (ils seront protégés et taxés sous les conditions existantes) et aussi un aspect du «most favoured nation» – qui maintiendront notre attrait par rapport à d’autres juridictions.
 
Les changements au traité incluront aussi vraisemblablement de nouvelles mesures positives, telles qu’un taux d’imposition réduit sur les intérêts concernant notamment le financement par endettement.
 
L’entité «Global Business», qui fait partie de Rogers Capital, s’est appuyée sur le traité fiscal pour offrir aux Indiens utilisant le centre offshore mauricien pour investir en Inde des services d’administration et de gestion. Comptezvous revoir votre «Business Model» suivant l’incertitude qui pèse encore sur le traité fiscal et accessoirement, sur le secteur ?
Pas nécessairement. Le traité avec l’Inde n’est pas le «be-all and end-all» de notre business. Nous sommes bien diversifi és en termes de pays dans lesquels nos clients investissent, avec plus de 50 % sur l’Afrique. Nous avons aussi des clients qui investissent dans des pays asiatiques, dont le Pakistan et le Bangladesh.
 
Aujourd’hui, la majorité des opérateurs offrent beaucoup plus de services que ceux de Corporate Administration. Il y a beaucoup de services liés au back-office et à l’externalisation (outsourcing), qui sont offerts à Maurice, non pour des raisons fiscales, mais pour de solides raisons commerciales incluant le coût et la qualité de nos ressources humaines. Il y aura nécessairement un accent plus important sur ces services et d’autres prestations de front office pour pallier une possible réduction de l’investissement direct sur l’Inde.
 
Mais pour ce faire, le gouvernement devra bien sûr faciliter la transition en créant un contexte propice à ces métiers et en introduisant le cadre juridique facilitateur nécessaire.
 
Aujourd’hui, le ministre des Finances et son collègue des Services financiers plaident en faveur d’un nouveau modèle offshore privilégiant l’Afrique comme principal marché. Estimez-vous que c’est la solution pour notre secteur offshore ?
Comme je l’ai dit plus tôt, chez Rogers, nous nous sommes déjà diversifiés en explorant les marchés africain et asiatique, entre autres. C’est certainement une des solutions pour notre secteur. L’Afrique, avec ses 54 pays, a un potentiel énorme.
 
Le challenge est de mettre en place les traités nécessaires et de ne pas continuer à perdre nos acquis à travers la renégociation de traités, comme avec l’Afrique du Sud. Ceci étant dit, nous ne nous limitons pas à l’Afrique et suivons les tendances en matière d’investissements de nos clients.
 
Rogers renoue avec le «Global Business» depuis le début de l’année, à travers l’acquisition de deux sociétés, Consilex et Kross Border. Quelle est la rationalité derrière cette démarche ?
Il est bon de rappeler que Rogers a été un précurseur dans le Global Business, à travers la création de l’une des premières Management Companies à Maurice en 1992. Le groupe a toujours eu une présence dans les services financiers et la reconstitution récente de notre masse critique dans ce secteur est donc toute naturelle, car c’est un de nos métiers d’expertise.
 
Êtes-vous à l’affût d’autres sociétés à acquérir afin d’étoffer votre portefeuille de clients. Au vu du contexte actuel, il faudra un sacré courage pour investir dans ce secteur…
Rogers a été pionnier dans plusieurs secteurs et a démontré du courage à maintes reprises. Nous sommes «on the lookout» pour saisir des opportunités d’affaires intéressantes, incluant la possibilité d’acquérir d’autres sociétés offshore si l’occasion se présente. Dépendant du portefeuille existant et des possibilités de développement, il y a sûrement de bonnes affaires sur le marché.
 
Quels sont les services que ces deux sociétés proposent aux investisseurs de ce secteur ?
Le réseau d’experts-comptables de Kross Border et le réseau juridique de Consilex sont complémentaires. Nous offrirons des services classiques tels que l’administration et la gestion de sociétés offshore, l’externalisation de services informatiques et comptables.
 
Au sein du pôle plus élargi que représente Rogers Capital, nous continuerons aussi à développer d’autres services complémentaires comme la gestion de patrimoine, le Corporate Advisory et les fonds d’investissement. Nous voulons offrir à nos clients de nouvelles prestations qui leur permettront d’aller audelà de la simple holding mauricienne vers l’implantation de sièges régionaux.
 
Quelle est l’ambition de Rogers Capital au sein du groupe ?
Rogers Capital a l’ambition de redonner au groupe sa place dans le secteur financier à Maurice en tant que leader et pionnier. Nous n’avons pu être très présents dans cet espace de 2012 à 2014 en raison d’un accord de non-concurrence après la scission avec Cim. Aujourd’hui, les activités de Rogers dans le secteur financier, soit nos opérations propres et investissements compris, rapportent déjà un bénéfice opérationnel de Rs 200 millions. Nous voulons aussi créer une synergie avec nos activités d’outsourcing de services informatiques et autres services métiers afin d’offrir une panoplie complète de prestations à nos clients offshore – un service intégré.
 
Nous comptons nous différencier en proposant une offre intégrée avec toutes les autres prestations du groupe – la mise à disposition de bureaux à Maurice, le back-office, la logistique à Maurice et en Afrique, les services liés aux voyages et à l’accueil, ainsi que la vente de villas, entre autres.