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Condamnation de Pravind Jugnauth: jusqu’où peut-on critiquer la justice…

4 juillet 2015, 20:45

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Condamnation de Pravind Jugnauth: jusqu’où peut-on critiquer la justice…

«Mo pa dakor ek sa jugement la (…) Se enn move jugement.» Le Premier ministre Sir Anerood Jugnauth (SAJ) est sorti de son mutisme. C’était le vendredi 3 juillet, à l’issue d’une réception organisée à l’occasion du 239e anniversaire de l’indépendance des États-Unis, en la résidence de l’ambassadrice Shari Villarosa. Le Premier ministre a commenté le jugement contre son fils Pravind dans l’affaire MedPoint.

«Premié fwa finn ena enn procès? Enn condamnation? Kifer zot trouv sa spesial? Han akoz li ti minis?» a lancé le Premier ministre, avant de rappeler : «Mwa, dès le départ, mo finn touzour mainténir ki pa ti éna case kont Pravind… e pena case kont Pravind.» En effet, le 20 septembre 2011, alors qu’il était président de la République, SAJ avait accusé la commission anticorruption d’avoir «fané», en inculpant son fils dans l’affaire MedPoint. «Mo espere mo pou gagn rézon en apel», a ajouté le Premier ministre.

 

La «sortie» de SAJ n’est, cependant, pas un cas isolé. La veille, dans l’enceinte de la New Court House, les membres du Conseil des ministres, ainsi qu’une foule de partisans, affichaient ouvertement leur désaccord avec le verdict des magistrats Azam Neerooa et Niroshini Ramsoondar. Les leaders du Muvman Liberater et du PMSD se disant notamment choqués par «la sévérité du jugement».

 

«Draw the line entre critiquer un jugement et faire outrage à la cour»

 

Plusieurs questions se posent dès lors. En critiquant de la sorte le verdict, ne risque-t-on pas de commettre un contempt of court ou de scandalise the court ? Et d'autre part, est-il interdit de critiquer une décision de justice? Les magistrats bénéficient-ils d’une protection particulière qui leur permettrait de ne jamais être inquiétés?

 

Me Antoine Domingue, président du Bar Council, fait d’emblée la distinction entre critiquer un jugement et commettre un outrage à la cour. «Si une personne dit que le juge a pris sa décision trop rapidement, qu’il aurait dû faire attention à tel article de droit, c’est tout à fait légal. N’importe qui, qu’il soit politicien, avocat ou simple citoyen, a le droit de critiquer un jugement», souligne-t-il. Le concept d’outrage à la cour ne doit aucunement être utilisé comme un gagging order, poursuit-il. «Cependant, il faut draw the line entre critiquer un jugement et faire outrage à la cour.»

 

Me Shakeel Mohamed abonde dans le même sens. Selon lui, toutes les critiques, jusqu’ici, ont été «respectueuses». «Je ne suis pas au courant s’il y a eu des commentaires outrageants.» Il estime que c’est «tout à fait normal» que Pravind Jugnauth et sa famille critiquent le jugement. En revanche, fait-il ressortir, «les autres politiciens doivent se retenir pour bien respecter la séparation des pouvoirs ente l'exécutif, le législatif et le judiciaire».

 

Toutefois, le secrétaire du Bar Council, Me Yahia Nazroo fait comprendre qu’«un avocat doit montrer une certaine réserve face au jugement de la cour. Il ne peut pas commenter un cas en appel et encore moins dire quelque chose qui porte atteinte à l’image même de la profession légale». Quant au contempt of court, il fait ressortir que suivant une plainte officielle au Bar Council concernant des avocats qui s’en seraient rendus coupables, le cas est référé au chef juge qui prendra des sanctions. «Les avocats sont régis par un code d’éthique.»

 

Ce que dit la loi française

 

Tout discrédit jeté sur une décision de justice est défini dans l’article 434-25 du Code pénal : «Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance.»

 

Lexique : Contempt of court / scandalising the court

 

Me Domingue précise que le contempt of court, dans le sens de défier l’autorité judiciaire et menacer son indépendance, n’est pas inscrit dans la loi mauricienne. C’est une inherent law de la cour, lui permettant de garder son indépendance et de se protéger.

 

Le concept scandalising the court est une forme d’outrage à la cour où la personne insulte le magistrat en sa présence ou ailleurs en public. Un exemple de scandalising the court peut être une insulte faite envers la personne du magistrat, en le traitant de partisan ou d’idiot. Une personne reconnue coupable d’outrage à la cour risque une peine de prison d’un an au maximum et une amende ne dépassant pas Rs 300 000.