Publicité

Usha Jeetah: «Je ferai revivre les valeurs de Bisoondoyal»

18 juin 2015, 12:41

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Usha Jeetah: «Je ferai revivre les valeurs de Bisoondoyal»

Répandre les valeurs que perpétuait le professeur Basdeo Bissoondoyal. C’est ce que s’efforcera de faire Usha Jeetah, la nouvelle présidente du Board of Trustees du Trust Fund au nom du tribun disparu. En prenant connaissance du parcours de cette Indienne de 65 ans, on réalise, en filigrane, qu’elle n’a pas eu la partie facile tant dans sa vie personnelle que dans son parcours politique. Mais elle ne veut pas relever les morts. «Le passé appartient au passé», dit-elle.

 

Elle est née dans une famille de brahmanes de New Delhi qui, bien que traditionnelle, croit en l’émancipation des filles au point de la pousser à faire des études supérieures. Puis elle s’est retrouvée à Maurice en tant que jeune épouse de Ramkissoon Jeetah, mais tributaire de son beau-frère pour tous leurs besoins. Voilà la réalité qui s’est imposée à elle au début des années 70. «Séki grandfrer Ramkissoon ti désidé, samem. We led a very simple life. Séki li tipé kwi dan so lakaz, samem nou ti pé manzé», raconte-t-elle.

 

Cette détentrice d’une maîtrise et d’un doctorat en hindouisme a même enseigné à l’Eastern College Girls, qui appartient à sa belle-famille, sans percevoir de salaire pendant cinq ans. Idem pour son mari, détenteur d’un doctorat en éducation. Usha Jeetah préfère, toutefois, ne retenir que le positif de son arrivée à Riche-Mare, dans la famille élargie de son époux, et des années qui ont suivi. Comme les tournées en voiture dans l’après-midi pour rencontrer des familles de la région et les inciter à envoyer leurs filles à l’école.

 

D’ailleurs, Usha Jeetah n’a pas trop de mal à convaincre car elle sait parler. À 15 ans, elle a décroché le prix du meilleur orateur à un concours d’élocution international. Et lorsqu’elle fréquentait l’université de Delhi, elle était de tous les débats. C’est son élocution qui attire l’attention de son futur beau-frère. Celui-ci décide alors d’arranger son mariage avec Ramkissoon Jeetah.

 

Entrée dans l'arène politique

 

En 1976, sur l’insistance de sa belle-famille – qui est très proche des frères Sookdeo et Basdeo Bissoondoyal qu’elle côtoie régulièrement –, elle participe, pour la première fois, à une élection générale dans la circonscription de St-Pierre–Moka sous la bannière de l’Independent Forward Block. En face d’elle : des ténors de la politique comme sir Veerasamy Ringadoo et l’avocat Yousouf Mohamed. Elle mord la poussière mais ne se décourage pas. «La politique était comme un virus dans mon sang. Mon père, colonel dans l’armée et farouche indépendantiste, avait obtenu une maîtrise en sciences politiques.»

 

C’est en militant au sein de l’IFB qu’elle rencontre sir Anerood Jugnauth (SAJ). Elle est impressionnée par son franc-parler et lui par son habileté à s’exprimer en hindi et par sa volonté de maîtriser le créole. Elle le retrouve quelques années plus tard dans une situation cocasse : il défend le voyeur qui l’épiait. Lorsque l’actuel Premier ministre apprend que la victime c’est elle, il oblige son client à lui présenter des excuses.

 

Bien qu’aucun ticket ne lui soit offert en 1983 au moment de la cassure du MMM, elle reste fidèle au MSM. En 1991, elle est acceptée comme membre de ce parti. Nommée à un moment présidente de l’aile féminine, elle siège avec 29 hommes au bureau politique.

 

Usha Jeetah, comme les frères Bissoondoyal, croit en l’éducation de la masse. Elle sillonne l’île avec d’autres femmes pour rallier leurs semblables à la cause du parti soleil. Pressentie pour être candidate à des élections générales à quelques reprises, elle se fait damer le pion. Sa déception est grande. Mais cela ne l’empêche pas de «labourer» le terrain pour le parti, notamment lors de sept élections partielles, malgré une arthrite douloureuse. «Monn kontan zwenn nouvou dimounn. Boukou kitsoz monn aprann ar piblik. Monn aprésié koz bhojpuri ar vié madam», dit-elle en riant.

 

L'aventure américaine

Sa fidélité au parti est payante. En 2000, elle est nommée ambassadrice de Maurice à Washington D.C. Ce qui l’arrange car presque toute sa famille a émigré aux États-Unis et ses enfants – Salila, Samidha, Himanshu et Shilpa – y étudient déjà. Elle avoue y avoir passé les meilleurs moments de sa vie, ayant rencontré des personnalités dont l’ancien président Georges W. Bush et son épouse. Durant les cinq années passées au pays de l’Oncle Sam, elle est présidente des ambassadeurs de la SADC et du COMESA. Grâce à ses connexions, deux Premiers ministres mauriciens – SAJ et Paul Bérenger – sont reçus par l’ex-président. Elle parvient aussi à négocier un don de 2 millions de dollars pour l’informatisation du Renganaden Seeneevassen SSS.

 

Après la prorogation du Parlement mauricien en 2005, elle regagne le pays et obtient un ticket dans la circonscription no7. Le MSM se fait ramasser par le PTr. Elle connaît alors une terrible traversée du désert. Elle se croit tirée d’affaire en 2010 quand le MSM, en alliance avec le PTr, remporte les élections et qu’elle est nommée ambassadrice de Maurice en Inde.

 

Or, les démarches administratives en vue de son départ durent des mois. Et avant qu’elle ne prenne son poste à New Delhi, le MSM claque la porte du gouvernement. Elle consulte le leader du MSM qui lui fait comprendre que la mesure ne s’applique pas aux nominés politiques. Mais, dix jours après son arrivée en Inde, elle apprend la démission des nominés politiques. Bien que les nouveaux locataires de l’hôtel du gouvernement lui signifient qu’elle peut rester en poste, elle refuse et regagne le pays.

 

En 2011, elle recommence à sillonner Maurice avec Leela Devi Dookun. Jusqu’à ce que sa santé s’en mêle. L’an dernier, à l’issue d’une chute, elle prend le risque, contre l’avis de plusieurs médecins, d’être opérée des cervicales. Elle finit par s’en remettre. Ce n’est que la semaine dernière qu’elle apprend sa nomination au Trust Fund.

 

D’ailleurs, dit-elle, c’est en entendant le nom de Bissoondoyal qu’elle a accepté le poste. «Je crois que les deux seules personnes qui suivent encore les principes de Basdeo Bissoondoyal sont SAJ et moi. Il a eu une grande influence sur ma vie.» Elle raconte qu’à son arrivée à Maurice, son époux et elle rendaient visite à Basdeo Bissoondoyal tous les vendredis. Ce dernier leur racontait l’histoire de Maurice, qu’elle ne connaissait pas. «Et beaucoup d’autres choses sur la culture indienne et l’hindouisme.»

 

Pour Usha Jeetah, lire les écritures saintes c’est une chose, mais comprendre les idées réformistes qui s’en dégagent en est une autre. «Il m’a fait comprendre les valeurs de la religion de même que l’importance de l’harmonie raciale, de l’harmonie familiale et de l’éducation des masses.» Autant de choses qu’elle entend transmettre, à son tour. «À travers ce Trust Fund, je ferai revivre les valeurs de Bisoondoyal.»

 

 

L’ex-président Georges W. Bush ainsi que son épouse, entourés d’Usha et Ramkissoon Jeetah.

 

 Nommée ambassadrice de Maurice à Washington en 2000, Usha Jeetah a pu rencontrer Georges W. Bush.

 

Usha Jeetah en compagnie de son époux Ramkissoon Jeetah.