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Bloco Malagasy: des cours de percussions pour prévenir les grossesses précoces

19 juin 2015, 17:47

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Bloco Malagasy: des cours de percussions pour prévenir les grossesses précoces

Dans une ville où les jeunes manquent de distraction et de loisirs, l’ONG Bel Avenir de l’Espagnol Jose Luis Guirao propose aux jeunes filles et aux jeunes femmes des quartiers défavorisés de Toliara d’intégrer la Bloco Malagasy, un groupe de percussion afro-brésilienne. L’objectif de ce projet est de prévenir la survenue de grossesses précoces.

 

Depuis trois ans, les locaux du Cinéma Tropic dans le centre de Toliara, ville située à près de 1 000 km d’Antananarivo, retrouvent l’ambiance particulièrement animée des beaux jours du cinéma. Les salles de cinéma malgaches ne diffusent quasiment plus de films, mais plus de deux cent jeunes filles et garçons s’y donnent rendez-­vous tous les mercredis après-­midi et les samedis matin. N’ayant pas classe ces jours ­là, ils viennent y prendre des cours de musique et/ou de danse, ou alors juste y retrouver des amis quand ils ne répètent pas avec le groupe dans lequel ils se sont inscrits. Depuis 2012, les locaux du Cinéma Tropic accueillent le Centre Art et Musique initié par l’ONG Bel Avenir et où les jeunes de la ville ont l’opportunité de se détendre tout en s’initiant à une activité artistique et, de recevoir des messages de sensibilisation à une diversité de problématiques contemporaines.

 

En ce mercredi après­midi d’avril, Noëline Randriamampionona, membre depuis trois ans de la Bloco Malagasy, l’un des six groupes rattachés au Centre Art et Musique, ne répète pas mais est venue s’amuser avec ses amies sur le parvis du Cinéma Tropic. «Je préfère venir ici plutôt que me balader en ville et être attirée par des mauvaises choses», explique-­t-­elle. Cette lycéenne de 19 ans sait à quoi elle s’expose si elle ne s’est pas inscrite à une activité au sein du Centre Art et Musique. Dans son entourage, elle dit connaître «des filles qui n’ont pas des activités de distraction et de loisirs et qui passent leur temps libre à flâner en ville avec des amis, et parfois à se prostituer». «Certaines se retrouvent parfois enceintes», avoue-­t-­elle.

 

Lorsqu’en 2009, l’ONG Bel Avenir lance les cours de percussion afro­brésilienne qui vont Guirao, fondateur de l’organisation était de «donner aux jeunes filles des quartiers défavorisés de Toliara une activité le soir pour éviter la promiscuité des quartiers et pour les prémunir des grossesses précoces, un fléau dans cette ville». La dernière enquête démographique et de santé (EDS) réalisée en 2008­-2009 indique que c’est dans la région Atsimo Andrefana, dont Toliara est le chef-lieu, que le pourcentage d’adolescentes de 15 à 19 ans ayant déjà eu un enfant ou ayant déjà commencé leur vie féconde est le plus élevé à Madagascar. Selon les résultats de cette enquête, 48,1% des adolescentes de cette région ont eu naissance vivante, tandis que 56,2 d’entre elles ont déjà commencé leur vie reproductive. 

 

Le pari du fondateur de l’ONG est plutôt réussi. La Bloco Malagasy compte actuellement une centaine de membres âgées de 13 à 22 ans, sans parler des cent autres jeunes filles de 6 à 13 ans du groupe La Petite Bloco qui, tout en apprenant à battre le tambour, et tout en se familiarisant avec les rythmes afro­brésiliens, sont aussi sensibilisées à la problématique de la grossesse précoce. Autant de filles et de femmes qui auraient pu ou qui pourraient être enceintes à un âge où elles devraient encore être à l’école. Mais autant de filles et de femmes qui peuvent servir de modèles à leurs paires tout en participant aux activités de sensibilisation des jeunes de Madagascar aux diverses problématiques du pays, dont la grossesse précoce ou encore l’exploitation sexuelle. «Chaque représentation de nos groupes est précédée d’une séance de sensibilisation sur une thématique mensuelle arrêtée par l’ONG Bel Avenir», souligne Nantie Razafinjohany, directrice du Centre d’Art et Musique.

 

Mais le Centre ne se limite pas à offrir des loisirs et des distractions aux jeunes de Toliara. Il fait un suivi régulier du cursus scolaire de ses membres. «Nous avons aussi des animateurs socio­culturels qui vont effectuer des visites auprès des établissements scolaires que nos membres fréquentent. Si ceux­ci font face à des problèmes, nous essayons d’en discuter avec eux et avec leurs familles», poursuit Nantie Razafinjohany. «Et si les jeunes ne sont pas scolarisés ou sont en abandon scolaire, nous essayons de trouver des solutions, quitte à leur octroyer une bourse pour l’année scolaire», ajoute­-t-­elle. Des photos artistiques sont alors exposées le long des murs du hall du Cinéma Tropic. «L’achat d’une photo à dix euros permet d’assurer la scolarité d’un enfant sur une année», explique Oreto Briz, chargée de communication auprès de l’ONG Bel Avenir.

 

Avec la Bloco Malagasy, Noëline n’a pas seulement un loisir ou une distraction. Le groupe de batucada (percussion afro­brésilienne) lui a aussi permis de participer à une tournée au Brésil en 2014 lors de la Coupe du Monde de football. «Je n’aurais jamais pensé qu’un jour j’irais à l’étranger», glisse­-t-­elle, les yeux encore brillants de souvenirs. Tout comme la plupart des autres membres du groupe dont certaines sont, en ce mois d’avril, en tournée en Afrique du Sud. Les autres, elles, ont déjà été en Europe ou en Asie. «Nous faisons tourner la participation des jeunes filles aux tournées nationales et internationales», confie Jose Luis Guirao.

 

Les filles de la Bloco Malagasy ne sont pas les seules à bénéficier des tournées nationales ou internationales du Centre Art et Musique de Toliara. La Malagasy Marching Band qui est la première fanfare civile malgache, la Roda Malagasy, un groupe de capoeira, la Malagasy Gospel Choir, un groupe de chorale, les Géants de Toliara, un groupe de marionnettes géantes, et la Malagasy Cirque, un groupe de cirque, tous issus du Centre Art et Musique, participent à des activités de sensibilisation et d’échange aussi bien dans les autres localités de la Grande île qu’à l’extérieur du pays. Les problématiques de la jeunesse, de l’environnement, de la nutrition, de la santé etc. sont au cœur des messages que ces jeunes hommes et femmes issus des quartiers défavorisés de Toliara véhiculent avant, pendant et après chaque représentation.

 

Pour plus d’information: http://blocomalagasy.blogspot.fr/p/bloco­malagasy­proyect.htmlurice

 

Miangaly Ralitera et Lova Rabary­Rakotondravony, L'Express, Madagascar