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L’orchidée apprivoisée

11 août 2014, 10:35

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L’orchidée apprivoisée

Trouvé sur le Corps de Garde en 1975, l’Angraecum eburneum est l’une des merveilles de notre flore indigène. Grâce à un coup de pouce de la science, il est désormais disponible à la pépinière Exotica, à Petit-Raffray.

 

En 1975, le père Adrien Wiehe, accompagné de quelques autres passionnés de botanique, se rend sur le Corps de Garde pour observer l’Hibiscus fragilis dans son habitat d’origine. L’un des membres de l’expédition, «grand fureteur», au dire de Jean-Marie Sauzier, directeur de la pépinière Exotica, à Petit- Raffray, s’éloigne quelque peu du groupe et tombe alors sur une «grosse touffe» d’orchidées dont la floraison vient de s’achever. Intrigués, les compagnons prélèvent des échantillons de feuilles et tiges florales qu’ils apportent au Dr Reginald Vaughan, botaniste réputé et curateur de l’herbier du Mauritius Sugar Industry Research Institute de 1960 à 1969. La réaction ne se fait pas attendre : «Where did you pinch this?» lance le chercheur étonné car jusquelà, l’Angraecum eburneum, présent dans d’autres îles des Mascareignes, soit Madagascar, La Réunion et les Seychelles – où on le nomme «orchidée paille-en-queue» en raison de sa morphologie – n’avait pas encore été identifié à l’état naturel à Maurice.

 

Des années plus tard, en mai 1995, le même «grand fureteur», en promenade sur la propriété sucrière de Riche-en-Eau, le long de la Rivière des Créoles, retrouve, à sa grande surprise, l’orchidée qu’il avait découverte sur le Corps de Garde. En faisant des recherches dans les environs, il en déniche, finalement, une dizaine de touffes. «Sans faire de désordre», dit-il – car respectueux de l’environnement –, il prend un plant de «deux à trois pouces» qu’il fixe sur un arbre de son jardin, à Vacoas. Les conditions favorables aidant, l’Angraecum eburneum se développe au point de lui donner chaque année, d’août à septembre, plusieurs tiges florales.

 

Jean-Marie Sauzier, directeur d’Exotica, tenant un plant d’Angraecum eburneum mauricien, à la pépinière.

 

Axelle Lamusse, qui tenait une chronique sur la flore de l’île dans ces mêmes colonnes, avec un intérêt certain pour les orchidées, informe Jean-Marie Sauzier, en 2007, de l’existence de l’Angraecum eburneum chez le Vacoassien, l’incitant à aller voir le spécimen en fleur. Le pépiniériste constate sur place que la variété mauricienne diffère, par certaines caractéristiques, de sa «cousine» malgache, notamment par la taille et la couleur de son labelle (ou «lèvre»), plus petit et teinté de vert. Avec la bénédiction du propriétaire, il procède à un «selfing» – croisement de la fleur avec elle-même – qui donnera, au bout de quelques mois, un fruit. Les graines d’orchidées germant très difficilement dans la nature, Jean-Marie Sauzier confie celles de l’Angraecum eburneum à Jean Félix, directeur de Microlab, laboratoire de micropropagation situé à Camp-de-Masque, Flacq, pour qu’elles bénéficient des soins nécessaires.

 

C’est avec émotion et joie que Jean-Marie Sauzier accueille en août 2014, après sept années d’attente, la première floraison de ses Angraecum eburneum mauriciens à Exotica. Satisfait d’avoir accompli sa «mission» de pépiniériste qui consiste,entre autres, à reproduiredes plantes rares afin de lesrendre accessibles au public,il désire à présent que sesconcitoyens «prennent le relais» et que l’orchidéeindigène se retrouve dansles jardins et pourquoi pascertaines réserves et chassesprotégées du pays. C’est toutle bien que nous souhaitonsà cette gracieuse fleur qui seretourne sur sa tige commepour mieux observer sesadmirateurs, tandis que sacollerette de sépales et depétales vert clair se prolongeen un fin éperon.

 

Le père Denis Wiehe, aujourd’hui évêque aux Seychelles et feu Joseph Gueho, botaniste, observant l’Angraecum eburneum sur le Corps de Garde dans les années 70.
 
 
 
L’Angraecum eburneum malgache, au labelle plus large
et tout blanc, à Exotica.
 

*Les variétés mauricienne et malgache d’Angraecum eburneum sont actuellement en vente, en nombre limité, à la pépinière Exotica, Petit-Raffray. L’on y trouve également une autre espèce du même genre, l’Angraecum sesquipedale(étoile de Madagascar).

 

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