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«Créer un pont entre le collège et le travail»

29 mai 2014, 00:15

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«Créer un pont entre le collège et le travail»

Raj Auckloo, directeur du HRDC, explique que le rôle du HRDC ne se limite pas à s’assurer qu’au moment voulu, les filières économiques disposent de toutes les compétences dont elles ont besoin. Il consiste également à anticiper l’émergence potentielle de nouvelles filières pour mieux former les ressources humaines dont celles-ci auront besoin.

 

Le Human Resource Development Council (HRDC) vient d’organiser une session d’information sur la planification de carrière à l’intention des élèves du secondaire. En quoi consiste actuellement la politique du gouvernement et/ou des institutions secondaires/ tertiaires en matière d’orientation professionnelle ?

La démarche fait partie intégrante du programme d’études au niveau du cycle secondaire sous l’appellation de Career’s guidance. Il s’agit bien évidemment d’orienter les jeunes vers les carrières de leur choix. L’action du Human Resource Development Council (HRDC) se situe à un autre niveau.

Nous considérons l’orientation professionnelle à partir des besoins réels de l’industrie ou bien des secteurs de l’économie nationale. C’est dans cet esprit que nous avons organisé un exercice d’orientation professionnelle à l’université de Maurice et auprès de l’université de Technologie. Puis, nous avons voulu réaliser le projet au niveau du cycle secondaire.

 

 

Quels ont été les enseignements que le HRDC a tirés dans le cadre de l’exercice en question ?

Nous nous sommes rendu compte combien la confrontation des collégiens – soit les employés de demain – au monde réel du travail a permis à ces derniers de changer leur vision de leur vie d’étudiant. Ils ont compris que le but de l’école, de l’acquisition de compétences académiques n’est pas une fin en soi mais que c’est une étape avant d’affronter la réalité du monde du travail.

Ils ont compris que la pire erreur qu’ils puissent commettre dans leur vie d’étudiant, c’est d’ignorer le monde du travail et ses réalités. Les jeunes ont hâte de connaître ce qui les attend dans le monde du travail. Nous nous sommes dit que ce besoin de confrontation au monde du travail s’applique spécifiquement à ceux qui dans un avenir pas très lointain seront sur le marché du travail. C’est ce qui nous a poussés à cibler les élèves en fin d’études secondaires.

 

 

Comment la démarche du HRDC a-t-elle été accueillie ?

L’accueil a été bien au-delà de nos espérances. Dans un premier temps, il a été décidé d’organiser une seule session de planification de carrière pour quelque 600 élèves. Nous avons reçu tellement de demandes que nous avons décidé d’organiser deux sessions au lieu d’une. Nous avons été agréablement surpris par la soif des jeunes pour une meilleure connaissance du monde du travail qu’ils vont devoir affronter dans un ou deux ans. C’est pour cette raison que nous avons changé d’approche.

C’est le HRDC qui, désormais, ira à la rencontre des élèves dans leur collège respectif. Nous irons dans tous les collèges du pays. Nous allons démarrer dans le Nord jeudi 5 juin. Nous voulons ainsi créer un pont réel entre le collège et le monde du travail.

 

 

Quelle est donc la base de données sur laquelle s’appuie le HRDC pour s’entretenir avec des jeunes sur la planification de leur carrière ?

Le point de départ est une étude que nous avons lancée en 2011 dans six secteurs de l’économie nationale. Ce sont le secteur de la technologie de l’information et de la communication, le tourisme, la construction, les services financiers, l’agriculture et le secteur manufacturier. L’objectif a été de faire un état des lieux des besoins de ces secteurs en matière de ressources humaines et simultanément d’identifier ce que cela impliquerait en termes de formation pour l’acquisition de compétences.

 

 

Quelle est la fréquence de mise à jour de cette base de données ?

Deux ans.

 

 

L’exercice de mise à jour ne devrait-il pas être effectué dans des délais beaucoup plus courts afin d’éviter le risque potentiel de fournir des renseignements dépassés ?

Exact. Mais dans la pratique, ce n’est peut-être pas réalisable. Il faut situer la démarche du HRDC dans son véritable contexte. L’intervention du HRDC se limite à mettre en exergue les tendances majeures qui caractériseront, après une période donnée, un secteur spécifique. Nous ne nous contentons pas d’orienter mais de rapprocher les jeunes vers les possibilités réelles. Nous montrons le chemin. Le reste est entre les mains du jeune. La mise à jour doit se faire sur une base quotidienne.

Cela grâce à l’indispensable outil qu’ils ont entre les mains, leur téléphone portable. Les jeunes ont l’immense possibilité de souscrire leur téléphone à un usage qui leur sera utile non seulement pour le choix d’un métier mais pour leur assurer une entrée plus ou moins souple dans le monde du travail.

Si les jeunes veulent s’imprégner de l’essence de notre conseil, ils utiliseront leur portable pour faire plus ample connaissance avec le secteur de leur choix. Nous vivons dans un monde où l’information est à portée de mains. Le jeune a donc la possibilité d’être constamment en contact avec le monde du travail et les différentes facettes de son évolution dans le temps. Ainsi, cette formule a le mérite de contribuer à réduire le décalage entre la sphère de l’éducation classique et le monde du travail.

 

 

Pour trancher dans le concret comment l’identification des tendances s’effectue- t-elle par exemple dans le secteur mauricien des services financiers ?

Avec les dernières élections en Inde, l’intérêt de Maurice porte sur le devenir même de la convention liant les deux pays pour ce qui est de la suspension du principe de double taxation. Il y a bien des possibilités d’emploi dans le secteur des services financiers. Un jeune qui voudrait aligner sa compétence dans ce secteur a le devoir de s’informer sur l’évolution de la situation au niveau de la renégociation de l’accord bilatéral. De nombreux articles ont été écrits sur le sujet à Maurice. Dans le secteur de la technologie de l’information, la tendance s’articule autour du concept d’externalisation. Des opérations basiques de certains corps de métier, comme par exemple des cabinets médicaux et légaux, sont entreprises à Maurice. Rien n’empêche un jeune de consacrer une partie de son temps de visite sur la toile aux informations qui concernent le métier qu’il a choisi.

 

 

Comment le HRDC procède-t-il pour atténuer quelque peu l’impact du phénomène de décalage entre le système éducatif et le monde du travail ?

Il faut relativiser l’impact de ce phénomène. Nous, au HRDC, nous considérons que c’est au niveau de l’employeur que cet impact – de même que l’absence de compétences recherchées – est à même d’être soit résolu totalement ou du moins atténué dans une très large mesure. Nul n’est mieux placé que l’employeur pour évaluer et identifier ses besoins en termes de compétences sur les court, moyen et long termes. Nous apportons l’appui financier à toute initiative de formation dont la pertinence a été dûment avalisée et reconnue par la Mauritius Qualifications Authority. Les implications financières de ces programmes de formation ou de remise à niveau sont remboursées à 75 % de leur coût total.

 

 

Jusqu’ici, quel a été le montant de l’enveloppe consacrée au remboursement des frais de l’organisation de ces programmes de formation ?

Rs 2,2 milliards pour les 20 à 22 dernières années.

 

 

À combien se situe le montant de redevances collectées au niveau des employeurs pour le financement de la formation ?

Rs 450 millions. C’est aussi le montant mis annuellement à la disposition des employeurs pour se doter des compétences dont ils ne disposent pas encore mais dont ils ont grandement besoin. La contribution représente 1 % de la masse salariale de chaque employeur.

 

 

Comment le HRDC fait-il pour éviter qu’un employeur dont la contribution est relativement modeste ne soit pas discriminé ?

Prenons le cas d’un employeur dont la contribution ne dépasse pas les Rs 20 000. Pour que son droit à un remboursement ne se limite pas  à sa modeste contribution, le montant de celle-ci est multiplié par dix. Le remboursement se fera sur un montant de Rs 200 000 et non de Rs 20 000. L’idée est d’éviter qu’en raison d’une contribution modeste à ce fonds de formation, un employeur soit privé de la nécessité de se doter de nouvelles compétences.

 

 

Lors de vos études en marge de la planification de carrière, avez-vous repéré des raisons autres que les explications classiques susceptibles de provoquer le chômage ou de le prolonger dans la durée ?

Je citerais volontiers le phénomène d’attente chez certains chercheurs d’emploi qui est susceptible d’être perçu comme démesuré. Le désir de toucher de gros salaires dans un délai plus ou moins court peut décourager un jeune à avoir la sagesse de commencer au bas de l’échelle salariale de la filière qu’il a choisie. Ce désir pourrait l’empêcher de comprendre que le fait de toucher de gros salaires se fait par étapes.

 

 

Cette tendance est-elle irréversible ?

Pas du tout. Nous y avons réfléchi au niveau du HRDC. Nous contemplons la possibilité de concevoir un modèle d’explication de la mobilité dans le domaine professionnel. Bien souvent, le jeune, au tout début de sa carrière, n’a pas une grande visibilité de ce qui l’attend dans les années à venir.

C’est le vide que nous souhaitons combler avec l’introduction de ce modèle. Par exemple, si un jeune veut embrasser une carrière dans la police, ce modèle lui expliquera la nature de toutes les étapes devant le conduire au plus haut niveau possible de la hiérarchie professionnelle. Cette explication s’accompagnera des exigences requises pour passer d’une étape à une autre.

 

 

Ça, c’est pour des filières existantes. Qu’en est-il, par contre, de ces filières nouvelles dont l’émergence n’a pas été prévue ?

Le HRDC n’atteindra pas les objectifs qu’il s’est fixés pour assurer la réussite d’une politique de planification de carrières s’il ne s’appuie pas sur la synergie d’un programme de concertation avec d’autres organismes.

Nul n’est mieux placé que le Board of Investment pour flairer les filières susceptibles de se transformer en un véritable pilier de l’économie nationale. C’est ainsi que nous avons approché cet organisme pour affiner notre capacité d’anticiper les filières émergentes. Une telle posture nous permettra de mieux adapter notre service d’accompagnement tant auprès de nos employés de demain que des employeurs.