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Chômage chez les jeunes: pourquoi ça bloque?

25 mai 2014, 22:01

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Chômage chez les jeunes: pourquoi ça bloque?

 

Les Mauriciens ne sont pas prêts à faire des «dirty jobs», travailler de longues heures ou la nuit. Constat de Prakash Nowbuth, secrétaire permanent au ministère du Travail, lors d’un Business Forum organisé par la Jeune chambre internationale (JCI), le mercredi 21 mai. Selon lui, c’est ce qui explique pourquoi le chômage touche fortement les jeunes: les chiffres étaient de 8% en 2012 et 8,1% en 2013. Plus inquiétant, 15,8 % des chômeurs sont âgés entre 20 et 29 ans.

 

«Les mentalités ont changé, la culture du travail elle-même a changé», souligne Prakash Nowbuth. Par exemple, certaines compagnies de bus recrutent des chauffeurs, mais le métier ne trouve pas preneur. Ils envisagent donc de recruter des travailleurs étrangers. A ce jour, il y a 39 000 travailleurs étrangers à Maurice, contre 37 400 chômeurs. Ce qui est paradoxal, selon le secrétaire permanent.

 

Des jeunes «unfit» pour le marché du travail

 

«2 500 à 3 000 diplômés sont au chômage. Ils sont détenteurs d’une licence mais sont unfit pour le marché du travail», soutient-il. Et d’ajouter que «ceux qui ont une licence en sciences politiques, en Urdu, entre autres, trouvent difficilement du travail».

 

Prakash Nowbuth indique que le gouvernement travaille afin de trouver des solutions à ce problème, et aussi pour réorienter les jeunes en fonction de leurs compétences.

 

Un système axé sur le «vocational»

 

Même son de cloche du côté de Dinesh Moonshiram, directeur de Landmark Management & Tech Consultants. Pour lui, il y a une «déconnexion» entre les études entreprises par les jeunes et les demandes du marché du travail. «Les universités mettent l’accent sur la théorie. Il faudrait s’orienter vers le vocational», explique-t-il. Il prend l’exemple du HSC Pro qui est, selon lui, une initiative en ce sens.

 

Parmi les solutions que propose Dinesh Moonshiram : le lifelong learning. Selon lui, il est primordial de continuer à apprendre. Il propose également d’introduire des modules d’Entrepreneurship à l’université afin de permettre aux jeunes d’acquérir les bases nécessaires pour créer un business.

 

La préparation pour un entretien est aussi primordiale, selon Dinesh Moonshiram. Il faut apprendre aux jeunes à rédiger un CV, préparer un entretien et avoir confiance en eux.

 

«Les employeurs sont des trieurs»

 

Areff Salauroo, président de l’Association of H.R Professionals of Mauritius, est quant à lui catégorique: «il faut réagir, et vite.» Selon lui, si nous ne faisons rien pour combler le fossé séparant l’éducation et le monde du travail, cela aura un coût dans le futur. «D’ici 2030, les Etats-Unis prévoient un coût de 3 trillions de dollars s’ils ne revoient pas leur système éducatif. Pour Maurice également, il y aura un coût. Si rien n’est fait, nous aurons des gradués qui feront des low skilled jobs», indique-t-il.

 

Les qualifications des jeunes ne correspondent, bien souvent, pas à ce que recherchent les employeurs. «Les employeurs sont des trieurs. Ils ont un profil précis en tête lorsqu’ils cherchent un employé pour un poste. Ils ont un ‘portrait robot’ déjà défini, et ils prennent le candidat qui correspond le mieux à ce qu’ils recherchent», explique-t-il.

 

Le fossé entre l’éducation, l’emploi et le chômage prend, selon lui, plusieurs aspects. Il existe un fossé entre les compétences et l’orientation. «Les jeunes ne sont pas toujours bien orientés. Par exemple, nous aurons bientôt trop de médecins alors que certains emerging sectors ne sont pas exploités», souligne-t-il.

 

Génération Y

 

Areff Salauroo évoque également un fossé d’attitude. «Nous sommes en présence d’une génération appelée Génération Y. Ce sont des jeunes qui ont entrepris des études universitaires et recherchent par conséquent un emploi bien rémunéré et rapidement. Ils ne veulent pas comprendre qu’il y a tout un cheminement à faire», affirme-t-il.

 

Pour le président de l’Association of H.R Professionals of Mauritius, le fait de fixer l’âge de la retraite à 65 ans pourrait être un problème. «En ce faisant, n’est-on pas en train de retarder l’entrée des jeunes sur le marché du travail ?» s’interroge-t-il.

 

Les solutions qu’il propose sont diverses. Tout d’abord, il faudrait «rendre certains sujets tels que les sciences, les mathématiques et les langues obligatoires comme le font le Canada et l’Allemagne»

 

Le Youth Employment Programme

 

Plusieurs programmes ont été mis en place afin de réduire le chômage chez les jeunes. Le Youth Employment Programme (YEP), par exemple, a placé 5 400 jeunes dans des entreprises privées à ce jour. «Nous plaçons environ 25 jeunes par jour», indique Roland Dubois, Senior Adviser au ministère des Finances et co-président du Skill Working Group qui gère le YEP. Ces jeunes suivent un stage d’une durée d’une année en entreprise et l’organisme cofinance leur Stipend (un paiement perçu par le stagiaire). «Les stagiaires ayant un Degree obtiennent environ Rs 15 000, et pour ceux qui ne sont pas diplômés, nous recommandons un stipend de Rs 6 000 à Rs 8 000. Et le gouvernement rembourse 50% de cette somme.» Il ajoute que 90% des jeunes qui ont terminé leur année de stage en 2013 ont obtenu un emploi permanent.

 

Pour Areff Salauroo, cette initiative est louable. Toutefois, il faudrait, selon lui, évaluer le placement de ces jeunes et s’assurer du suivi des employeurs. «Il y a eu des cas où des entrepreneurs ont tiré profit de ce programme en confiant à des diplômés des tâches dont les autres ne voulaient pas.»

 

Jennifer Webb de Comarmond, directrice d’Adecco, pense que «chacun d’entre nous a la responsabilité de faire évoluer les choses». Elle affirme que les ressources humaines devraient revoir leur politique afin de mieux inclure les jeunes. 

 

Les compétences recherchées chez les jeunes sont beaucoup plus complexes, selon elle. «Comme l’a dit Darwin: adapt or perish.»  Il est important de mieux encadrer les jeunes afin de les former à être les leaders de demain. «Les leaders créent d’autres leaders», précise-t-elle.