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Prisons: l’Etat déploie les grands moyens pour la réhabilitation des détenus

23 mars 2014, 20:57

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Prisons: l’Etat déploie les grands moyens pour la réhabilitation des détenus

 

«Nous misons sur l’encadrement des détenus. Les projets ont été enclenchés cette année en vue d’améliorer la condition des détenus.» Jean Bruneau, commissaire des prisons, laisse bien comprendre qu’une nouvelle ère se profile pour les détenus dans les prisons. A commencer par cette prison de haute sécurité,l’Eastern High Security Prison,qui a été inauguréele jeudi 20 mars, en présence du Premier ministre. L’établissement accueillera ses premiers détenus cette semaine.

 

La hausse d’un peu plus de 244% des dotations budgétaires en dix ans – le montant est passé de Rs 243 millions en 2004 à Rs 837 millions en 2014 – devrait contribuer à améliorer le quotidien des détenus. Le commissaire des prisons explique que le changement se traduit notamment par le fait que la priorité sera accordée à la réhabilitation des détenus.

 

Un centre de formation pour les détenus et les officiers

 

Le Premier ministre avait lui-même soutenu, en février dernier, que la mission de la prison a beaucoup évoluée. «La prison donne aussi la priorité à la réhabilitation. Elle a la responsabilité de soutenir et préparer les détenus vers l’intégration dans la société en tant que des citoyens respectueux de la loi»,avait indiqué Navin Ramgoolam lors d’une cérémonie à l’intention de 122 nouvelles recrues au sein des services de la prison, à Beau-Bassin.

 

Et cela passe par les nombreuses activités qui sont venues s’ajouter au quotidien des prisonniers, explique Jean Bruneau. Sans compter qu’à la fin de 2014, un centre de formation sera construit pour les détenus et les officiers. Il sera question de formation en éducation primaire, secondaire et tertiaire. Les cours seront dispensés dans les neuf institutions.

 

Une nouvelle prison pour femmes

 

Du nouveau également du côté des prisons pour femmes. Pour les 128 femmes détenues, une Open Prison for Women sera créée. Elle sera calquée sur celle qui existe déjà à Richelieu pour les hommes. Cette unité sera instituée à Cité Barkly. Tandis qu’à la prison de Richelieu, les règles de sécurité concernant les détenus sont moins sévères.

 

Un nouveau mode d’hébergement s’installe également dans les prisons. Les détenus n’ont pas de cellules mais des dortoirs et sont à une vingtaine dans la salle. Chaque dortoir est muni de toilettes, d’une salle de bains et d’une télévision.

 

En ce qui concerne les activités, les prisonniers peuvent s’occuper de la ferme, s’adonner aux travaux manuels, à l’entretien de l’église ou encore au jardinage. L’atmosphère est elle aussi beaucoup plus détendue dans ce centre qui favorise la réintégration des prisonniers. Contrairement à la prison de Beau-Bassin, les visites ont lieu sous un kiosque et les détenus peuvent voir leurs proches en tête-à-tête, sous la surveillance d’un gardien.

 

Le quotidien en prison : témoignage

 

Smith (prénom fictif),qui approche la cinquantaine, a accepté de revenir sur cessombres mois passés en cellule. Desmois entiers où la grande occupationc’est de ne rien faire. «Ona beau être fort, les premières heures, c’est dur de tenir le coup !»

 

Le regard perdu, il raconte :«Le premier jour, j’ai voulu remonter le temps et corriger mon passé. Mais on se rend compte qu’il est trop tard et qu’il est temps d’assumer. On a peur, on ne sait pas ce qui nous attend et on n’arrête pas de penser à ceux qu’on aime.» Ces instants,il voudrait pouvoir les effacer de samémoire.

 

Il passe les premiers jours de son incarcération à la New Wing de la prison de Beau-Bassin. Il raconte que les officiers lui demandent, d’abord, de se débarrasser de tous ses objets personnels. Le tout est mis dans un sac. Ensuite, dit-il, il faut se mettre nu. «Dans un petit couloir fermé, ils me demandent de me déshabiller et de m’asseoir sur mes pieds pour vérifier qu’aucun objet n’est dissimulé quelque part. Et puis, les officiers me demandent de m’asseoir sur un appareil, un autre détecteur je suppose, et ils vérifient mes oreilles et me demandent de retourner à la réception. J’enfile ensuite l’uniforme orange des prisonniers. Après, je suis examiné par un médecin. C’est là que tout commence», poursuit-il.

 

Après un bref passage dans la salle 14, où les cheveux sont tondus, les nouveaux détenus sont incarcérés à la New Wing en attendant de passer devant un panel d’officiers. C’est à la suite de cela qu’ils seront détenus dans «la grande prison», c’est-à-dire à l’intérieur de la prison centrale.

 

«Un lieu hostile, délimité par quatre murs en béton»

 

«Les prisonniers l’appellent une cour. Mais rien à voir avec l’espace qui existe à l’arrière d’une maison. Là, il s’agit plutôt d’un lieu hostile, délimité par quatre murs en béton et avec un sol patiné de la même matière, comportant des tables et des chaises, en béton aussi, à ciel ouvert. Nous sommes plus d’une cinquantaine et nous attendons de rentrer dans les cellules. C’est là que nous passons toutes nos journées», affirme-t-il.

 

Petit à petit, il apprend le jargon de la prison, où tous les objets portent des noms qui diffèrent de ceux qu’on connaît. Par exemple, un bol en plastique est appelé «Topi» à la prison de Beau-Bassin. «En prison, un bol en plastique a énormément de valeur. C’est la première chose que l’on vous donne et vous devez le trimbaler partout où vous allez. Il vous sert d’assiette, vous y mettez votre nourriture, votre thé et il vous sert même à transporter de l’eau dans la cellule», ajoute-t-il.

 

La journée commence très tôt dans une prison. «À six heures, nous sortons de la cellule pour prendre le petit-déjeuner. On nous offre du pain sec et du thé. Ensuite, nous allons dans la cour. À dix heures, c’est le déjeuner. Tout est versé dans le bol et à midi, c’est l’heure du thé. Le dîner, en prison, c’est à 15 heures et on mange du pain. Entre-temps, il nous faut prendre notre douche et aller aux toilettes, pour éviter de nous retrouver dans des situations compliquées une fois en cellule. Dans la cour, on côtoie des détenus ayant commis tout type de délits. Certains des meurtres, d’autres s’y retrouvent à cause de la drogue et puis d’autres qui n’ont pas payé de contraventions.»

 

En cellule, c’est une tout autre histoire. «Il n’y a pas de toilettes. On nous donne des pots de peinture vides. Si l’un d’entre nous l’utilise durant la nuit, nous restons avec jusqu’au lendemain et, à tour de rôle, nous devons le vider», rajoute-t-il.

 

 «Il y a des clans»

 

Ensuite, s’ils ne travaillent pas, les détenus passent leurs journées dans la cour où ils échangent des cigarettes contre des fruits ou d’autres produits qu’ils se sont procurés à la cantine. «Comme pour le bol, nous trimbalons toujours toutes nos affaires pour ne pas les perdre. Des fois, nous négocions des boîtes en carton avec les détenus qui s’occupent des fruits.» Des négociations qui se terminent souvent en bagarre.

 

«Souvent, des groupes d’intervention effectuent des fouilles dans les cellules. Ils peuvent découper les matelas, ils fouillent dans notre beurre, dans nos affaires. Il y a aussi des fouilles corporelles, s’ils ont des soupçons. On les appelle les 24/7. Ils peuvent venir à n’importe quel moment, même durant la nuit», poursuitSmith.

 

Réalisant qu’ils sont tous dans la même situation, les détenus finissent par se lier d’amitié. «Il nous arrive de nous entraider. Mais il y a des clans. Tout le monde ne se fréquente pas et il faut faire attention. Certains parlent ouvertement de ce qu’ils ont commis, d’autres n’en parlent pas», conclut Smith…